Caractéristiques des chenilles des principales familles de Lépidoptères observables en France

Juillet 2021 : En raison de la mise à jour des photographies du site (changement de la watermark), la plupart des photos présentées sur cette page ont été supprimées. Je vais les remettre en ligne le plus vite possible. Merci de votre compréhension !

Les plus de 5000 espèces de Lépidoptères que l’on peut trouver en France sont réparties dans plus d’une trentaine de familles différentes. Je n’aborderai ici que les 10 principales familles, qui sont celles des chenilles que l’on rencontre le plus souvent. Les descriptions qui vont suivre ne sont pas une liste exhaustive des caractéristiques de chaque famille : je me contenterai seulement de donner quelques critères très généraux qui peuvent aider à la détermination des chenilles.

  • Les Noctuidés

Je me permets de reprendre ce que j’ai déjà écrit dans cet article, en complétant un peu !
On emploie généralement le terme « noctuelle » pour désigner les papillons appartenant à la grande famille des Noctuidés, qui compte plusieurs milliers d’espèces différentes : environ 12 000 espèces décrites dans le monde, dont près de 750 en France. L’activité des noctuelles est essentiellement nocturne (Noctua vient du grec nox = la nuit), et certaines chenilles passent la journée cachée dans la terre ou sous les feuilles, ne sortant qu’à la nuit tombée pour se nourrir.

Il n’est pas toujours facile de reconnaître les chenilles des Noctuidés, car au sein de cette famille, certaines espèces sont très différentes les unes des autres ! Elles peuvent en effet être totalement glabres, ou bien légèrement poilues, ou bien totalement recouvertes d’une dense toison de longs poils.

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Les chenilles de noctuelles possèdent en général 5 paires de fausses-pattes abdominales, en plus de leurs 3 paires de pattes thoraciques. Il y a cependant des exceptions, évoquées plus haut dans la partie sur le nombre de paires de fausses-pattes !

Beaucoup d’entre elles, notamment celles appartenant à la sous-famille des Noctuinés, sont totalement glabres (ou légèrement velues), ont une couleur terne (souvent verte ou brune) et ont une tête ronde et glabre. Ce sont ces chenilles-là que l’on rencontre le plus souvent dans les jardins et potagers, où leur présence n’est généralement pas souhaitée… D’autres en revanche sont très poilues et arborent des couleurs vives, en particulier au sein du genre Acronicta.

  • Les Lasiocampidés

Le nom « Lasiocampidae » vient du grec lasios = poilu et kampe = chenille : c’est donc littéralement la famille des chenilles poilues ! En France, la famille des Lasiocampidés est représentée par 27 espèces réparties en 4 sous-familles : les Poecilocampinae, les Malacosomatinae, les Pinarinae et les Lasiocampinae. Dans toutes ces sous-familles, les chenilles sont couvertes de soies (poils) plus ou moins longues, parfois légèrement urticantes. Avant la nymphose, elles tissent des cocons de soie assez épais et garnis de poils.  Les papillons sont assez massifs, généralement très beaux (quoique, c’est subjectif !) et leurs antennes sont bi-pectinnées chez les deux sexes. On peut distinguer au stade imaginal les mâles des femelles, ces dernières étant plus grosses et possédant des motifs ou des couleurs différents de ceux des mâles.

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Les chenilles de Lasiocampidés sont parfois grégaires aux premiers stades larvaires : elles peuvent tisser de grandes toiles de soie formant des « nids » collectifs dans lesquels elles passent la plupart de leur temps. On observe ces toiles de soie chez la Laineuse du cerisier (Eriogaster lanestris), la Laineuse du prunellier (Eriogaster catax), ainsi que chez les Livrées (Malacosoma spp.), qui sont d’ailleurs à juste titre appelées « chenilles à tente » au Québec !

  • Les Géométridés

(Une fois de plus je me permets un copier/coller partiel de cet article !)
La famille des Géométridés regroupe en France plus de 600 espèces : c’est la plus grande famille de Lépidoptères en France, juste derrière les Noctuidés. On désigne souvent les chenilles de Géométridés sous le terme « chenille arpenteuse ».
La principale caractéristique des chenilles de Géométridés, c’est qu’elles ne possèdent que deux  paires de « fausses-pattes » situées tout au bout de leur abdomen, alors que la plupart des chenilles en possèdent cinq. C’est leur moyen de se déplacer qui leur vaut le nom d’arpenteuses : après avoir saisi leur support avec leurs vraies pattes, elles avancent leurs fausses-pattes jusqu’à l’avant de leur corps, se pliant alors pour former un Ω. Ce mouvement rappellerait celui des géomètres déplaçant leur corde d’arpenteur pour mesurer des distances au sol.

 

Il est assez simple de reconnaître une chenille arpenteuse : elle ne possède que 2 paires de fausses-pattes, elle est globalement glabre (pas ou peu de « poils »), et elle est souvent fine et allongée, ce qui lui donne un aspect frêle et fragile. La taille des chenilles varie selon les espèces, et bien sûr selon le stade de développement. Généralement, elles sont de couleur verte, brune ou grise, pour mieux se confondre dans la végétation. Chez certaines espèces, le mimétisme est très impressionnant et les chenilles peuvent ressembler à des brindilles !

En revanche, il est un peu plus délicat d’identifier avec certitude une chenille arpenteuse. Certaines espèces communes aux couleurs caractéristiques sont très faciles à reconnaître, mais ce n’est pas le cas de toutes !

  • Les Saturnidés

La famille des Saturnidés est riche de plus de 2300 espèces, mais elles se rencontrent essentiellement dans les régions tropicales et subtropicales. Seule une petite douzaine d’entre elles peut être observée en Europe, dont 4 en France (5 si l’on distingue Saturnia pavonia de S. pavoniella, et 6 si l’on inclue une espèce exogène, Samia cynthia). Au stade adulte, ce sont de magnifiques papillons, parfois de grande ou de très grande taille : c’est la famille des plus grands papillons, dans laquelle se trouvent le plus grand papillon d’Europe (le Grand paon de nuit, Saturnia pyri) et le plus grand papillon du monde (l’Atlas, Attacus atlas).

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Chez les Saturnidés, les chenilles sont souvent verruqueuses, avec des soies partant de ces verrues. Les chenilles de certaines espèces tropicales sont urticantes mais en France, toutes les chenilles de Saturnidés sont inoffensives. Comme chez les Lasiocampidés, la chenille tisse un cocon de soie épais avant la nymphose.

  • Les Sphingidés

Les Sphingidés, appelés plus simplement « sphinx », sont représentés par plus de 1500 espèces dans le monde, dont 24 peuvent être rencontrées en France. On reconnaît très facilement les chenilles de Sphinx à la présence quasi-systématique d’une corne, appelée scolus, sur le 11ème segment de leur abdomen. Ce scolus peut avoir une forme et une texture variable selon les espèces, voire même être réduit à un ocelle légèrement bombé chez la chenille du Sphinx de l’épilobe (Proserpinus proserpina).

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Les chenilles de Sphinx s’enterrent généralement dans le sol au moment de la nymphose.

  • Les Notodontidés

C’est la famille des fameuses chenilles processionnaires, mais pas que ! Elle comprend environ 2500 espèces dans le monde, dont une quarantaine peuvent être observées en France. Leurs chenilles sont très variées selon les sous-familles, voilà quelques généralités valables pour les espèces françaises :

  • Dans la sous-famille des Thaumetopoeinae (aperçu ici), on trouve les 3 espèces de processionnaires : celle du pin (Thaumetopoea pityocampa), celle du chêne (T. processionea), et la pinivore (T. pinivora), assez localisée en France. Les chenilles de cette sous-famille sont couvertes de soies urticantes, sont grégaires, tissent des cocons de soie dans leur arbre-hôte, et se déplacent en procession.

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  • Dans la sous-famille des Pygaerinae (aperçu ici), on trouve 4 espèces dont les chenilles sont également velues et assez singulières.
  • Dans la sous-famille des Phalerinae (aperçu ici), on trouve la Bucéphale (Phalera bucephala) et la Bucéphaloïde (P. bucephaloides), deux chenilles velues également, et aussi une autre espèce, la Timide (Peridea anceps), dont les chenilles sont vertes et glabres.
  • Dans la sous-famille des Notodontinae (aperçu ici), on trouve des chenilles aux formes étonnantes : les magnifiques queues-fourchues (Cerura spp. et Furcula spp.) dont la dernière paire de pattes abdominales est transformée en deux longs filets rappelant une queue, les étonnants Chameau (Notodonta dromedarius), Dromadaire (N. tritophus) et Bois-veiné (N. ziczac), portant sur leur « dos » des excroissances recourbées, mais aussi d’autres chenilles un peu plus classiques, vertes et glabres, aux allures de noctuelles.
  • Et enfin, dans la sous-famille des Heterocampinae (aperçu ici), on trouve l’incroyable Écureuil (Stauropus fagi) dont la chenille ressemble à une écrevisse avec ses longues pattes, le Dragon (Harpyia milhauseri) à la chenille biscornue, et, dans le Sud de la France, l’Argentine (Spatalia argentina).

On y trouve donc des chenilles diverses et variées, souvent surprenantes par leurs couleurs, leur forme ou leur posture.

  • Les Érebidés

Ici, ça se complique un petit peu. La famille des Érebidés a récemment été très remaniée et inclue à présent d’anciennes familles de Lépidoptères, classées désormais comme sous-famille des Érebidés. Il s’agit des ex-Lymantridés, des ex-Arctidés, et d’une partie des Noctuidés (notamment les Catocalinae). On rencontre dans cette famille :

  • Les écailles (sous-famille des Arctiinae, autrefois famille des Arctidés), dont les chenilles sont couvertes de longues et fines soies. Leur tête est souvent assez petite, globalement glabre, et brillante. Certaines espèces peuvent être légèrement urticantes, mais rien de grave comparé aux processionnaires. On y trouve l’Écaille martre (Arctia caja), l’Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria), l’Écaille marbrée (Callimorpha dominula) ou encore l’Écaille du séneçon (Tyria jacobaeae).

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  • Les ex-Lymantridés (sous-famille des Lymantriinae), dont les chenilles portent souvent des petits pinceaux de poils dorsaux ressemblant à des brosses. On y trouve le Bombyx antique (Orgiya antiqua), la Pudibonde (Calliteara pudibonda), mais aussi le Bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea), le Bombyx cul-doré (Euproctis similis), et le Bombyx disparate (Lymantria dispar).

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  • La sous-famille des Érebinae qui comprent notamment le genre Catocala, où les chenilles sont très mimétiques, avec un corps couvert de motifs rappelant les motifs des troncs d’arbre, la mousse ou le lichen (voir La Fiancée, Catocala sponsa).

Il y a d’autres sous-familles au sein de cette famille mais je ne prendrai pas la peine de faire une description de leurs chenilles, qui sont assez variables et qu’on ne croise pas tous les quatre matins. Vous pouvez néanmoins avoir un petit aperçu de la diversité de la famille des Érebidés en consultant ce lien !

  • Les Papilionidés

osmeterium

Voyons à présent les chenilles des papillons dits « de jour » (Rhopalocères), en commençant par les Papilionidés. C’est notamment la famille du Machaon (Papilio machaon), et du Flambé (Iphiclides podalirius) ; elle est représentée dans le monde par 570 espèces, dont une dizaine peut être observée en France.
Les chenilles de Papilionidés partagent une curieuse particularité : elles possèdent derrière la tête un petit organe jaune ou rouge en forme de fourche, nommé osmeterium, qui rappelle lorsqu’il est sorti la langue d’un serpent. La plupart du temps, cet organe est invisible ; ce n’est que Chrysalide machaonlorsque la chenille est dérangée qu’elle le dévagine. L’osmeterium aurait pour fonction de repousser les prédateurs. Il dégage une forte odeur, souvent proche de celle de la plante-hôte de la chenille.
(Photo ci-contre : osmeterium d’une chenille de Papilio polyxenes, ©Skyler sur Wikimedia commons).
Au moment de la nymphose, les chenilles de Papilionidés se fixent à une branche, une tige ou tout autre support vertical en tissant une petite ceinture de soie. Ce n’est qu’une fois que la chenille est solidement arrimée à son support que la nymphose a lieu, et la chrysalide reste ainsi fixée durant toute la période nymphale.

  • Les Piéridés

C’est la famille de la fameuse Piéride du chou (Pieris brassicae), détestée des jardiniers, mais aussi du Gazé (Aporia crataegi), du Citron (Gonepteryx rhamni), de l’Aurore (Anthocharis cardamines) ou encore du Souci (Colias crocea). Plus de 1200 espèces de Piérides ont été décrites dans le monde, et 26 d’entre elles peuvent être observées en France. 
Dans nos contrées, les chenilles des Piérides sont souvent vertes et cylindriques, légèrement poilues.
– Dans la sous-famille des Coliadinae (comme le Citron et le Souci) et des Dismorphiinae, les chenilles sont d’un beau vert clair et portent de courtes soies à l’aspect glanduleux, avec une bande jaune chez les Colias et un dégradé de blanc chez les Gonepteryx. Leur tête est assez grosse, de la même couleur que le reste du corps.
– Dans la sous-famille des Pierinae (comme le Gazé et la Piéride du chou), les chenilles sont un peu plus variables mais ont toujours un corps cylindrique et allongé. Elles peuvent porter des soies fines et assez longues, ou bien courtes et similaires à celles des Coliadinae. La tête est souvent peu visible bien qu’assez grosse.
– Enfin, dans la sous-famille des

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Chez les Piérides, la nymphose s’effectue comme chez les Papilionidés : la chenille tisse également un petit baudrier de sécurité pour s’accrocher à un support vertical.

  • Les Nymphalidés

Avec plus de 6000 espèces décrites dans le monde, dont 130 observables en France, c’est sans doute la plus grande famille de papillons diurnes. On y trouve les vanesses (Paon du jour, Vulcain, Grande tortue, Belle-Dame…), les Mélitées (Melitaea spp.) et les Damiers (Euphydrias spp.), les Nacrés (Argynnis spp.), les Fadets (Coenonympa spp.)…
La famille des Nymphalidés est divisée en 9 sous-familles :
– Chez les Satyrinae (apercu ici), les chenilles sont brunes ou vertes, de forme effilée avec deux petites pointes à l’extrémité de l’abdomen. Elles peuvent être glabres ou bien couvertes de très courtes soies. La tête est assez grosse, souvent de la même couleur que le reste du corps, avec de très courtes soies. Elles se nourrissent de graminées, et sont souvent difficiles à trouver dans la végétation herbacée.

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– Chez les Nymphalinae (aperçu ici), les Heliconiinae (aperçu ici) et les Melitaeinae (aperçu ici), les chenilles sont couvertes de soies épineuses. Leur tête est volumineuse, souvent bien délimitée du reste du corps, parfois « bilobée » (chez le Chiffe, Argynnis niobe par exemple). Elles peuvent se nourrir aussi bien de plantes ligneuses que d’herbacées.
– Chez les Limenitinae (aperçu ici), sous-famille représentée par 3 espèces en France*, les chenilles portent de grosses protubérances coniques couvertes de soies à l’avant et à l’arrière du corps – un peu comme les soies épineuses évoquées plus haut, mais en version géante ! Les espèces que l’on peut rencontrer en France se nourrissent dans les arbres : chèvrefeuilles pour le Petit sylvain (Limenitis camilla) et le Sylvain azuré (L. reducta), trembles et peupliers pour le Grand sylvain (L. populi).
*Une quatrième espèce, le Sylvain des spirées (Neptis rivularis) n’aurait pas été observé en France depuis la fin des années 60.
– Chez les Apaturinae (aperçu ici), deux espèces peuvent être observées en France : le Grand Mars changeant (Apatura iris) et le Petit Mars changeant (A. ilia). Les deux sont vertes et ont une forme caractéristique : leur tête porte deux protubérances semblables aux tentacules des escargots, qui leur donne un peu un air de limace. Elles se nourrissent de peupliers et de saules.
– La sous-famille des Charaxinae ne comporte qu’un seul représentant en France, le Jason ou Pacha à deux queues (Charaxes jasius). Vous avez peut-être déjà vu sa curieuse chenille dans le film Microcosmos de Claude Nuridsany & Marie Pérennou (zut, je n’arrive pas à trouver l’extrait sur Youtube) ! Elle est facilement reconnaissable à sa tête portant 4 protubérance comme des cornes, et à ses deux petites pointes à l’arrière du corps (photos et plein d’infos ici). 5
– Chez les Danainae (aperçu ici), deux espèces migratrices peuvent parfois être observées en France : le Monarque (Danaus plexippus) et le Petit Monarque (D. chrysippus). Leurs chenilles sont noires avec des barbrures verticales jaunes et noires, et portent à l’avant et à l’arrière du corps une paire de longs filaments noirs, rappelant des antennes ou des tentacules.
– Pour finir, dans la sous-famille des Libytheinae, une seule espèce est présente en France : l’Echancré (Libythea celtis). Dans le Sud de la France, on peut trouver sa chenille dans les micocouliers.

Chez les Nymphalidés, la nymphose s’effectue la tête en bas ! Les chenilles se suspendent à un support en tissant des fils de soie au niveau de leur dernière paire de fausses-pattes. Ci-contre à droite, une chenille de Petite tortue (Aglais urticae) en pré-nymphose.

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Bibliographie

Ouvrages :

  • D. J. Carter, B. Hargreaves, Guide des chenilles d’Europe, Delachaux et Niestlé
  • J-F. Aubert, Papillons d’Europe I et II, Delachaux et Niestlé
  • B. Henwood, P. Sterling, R. Lewington, Field Guide to the Caterpillars of Great Britain and Ireland, Bloomsbury Wildlife Guides
  • T. Lafranchis, D. Jutzeler, J.Y. Guillosson, P. & B. Kan, La vie des papillons de France, Ecologie, Biologie et Comportement des Rhopalocères de France, Diatheo
  • T. Lafranchis, Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles, Parthénope

Web :