Les Hyponomeutes

Au mois de mai, au cours d’une balade ou en contemplant votre jardin, vous risquez de tomber sur cet étrange spectacle : un arbre, le plus souvent un Fusain, recouvert d’une fine toile de soie blanche semblable à une toile d’araignée. Si la curiosité vous pousse à vous approcher pour découvrir les bestioles qui s’y trouvent, vous pourrez observer un grand nombre de minuscules chenilles blanc crème à points noirs. S’agirait-il des fameuses chenilles processionnaires tant redoutées ?
Rassurez-vous, ces chenilles sont inoffensives pour l’homme ou les animaux domestiques. Elles portent le drôle de nom d’Hyponomeutes, et il en existe plusieurs espèces qu’il est parfois difficile de différencier.

Les Hyponomeutes, qu’est-ce que c’est ? 

Les Hyponomeutes sont de petits papillons « de nuit », le plus souvent blancs ponctués de taches noires. Il en existe environ un millier d’espèces dans le monde, dont une petite dizaine est présente en France.
Chez les Hyponomeutes, les chenilles comme les papillons sont très similaires d’une espèce à l’autre, et il n’est pas toujours facile de déterminer avec certitude à quelle espèce appartient un individu. On peut cependant avoir une idée de leur identité d’après la plante-hôte dont les chenilles se nourrissent, car chaque espèce a ses préférences (ou exigences !) en matière d’alimentation.

La fiche ci-dessous résume l’essentiel de ce qu’il y a à savoir sur les Hyponomeutes, leur potentielle dangerosité, leur comportement, et la nécessité ou non de les détruire. Si vous souhaitez en savoir un peu plus à leur sujet, je vous invite à lire la suite de l’article sous la fiche !

Les espèces françaises d’Hyponomeutes

On peut rencontrer en France 9 espèces d’Hyponomeutes, qui sont au premier coup d’œil toutes assez similaires. Certaines espèces sont vraiment très semblables, et pour les différencier, le mieux est d’avoir accès à ces 3 données : la plante-hôte, l’aspect de la chenille, et l’aspect du papillon. Le moyen le plus fiable pour identifier ces petits papillons est encore de les disséquer, pour examiner la forme de leurs pièces génitales. Autant dire qu’il s’agit là d’une affaire de spécialiste. Mais ne vous découragez pas pour autant : on peut tout de même tenter de les départager grâce à certains critères, présentés dans la fiche ci-dessous :

Les Hyponomeutes du fusain

Le plus souvent, dans les jardins et les bords de chemins, on rencontre les Hyponomeutes dites « du fusain ». Trois espèces se nourrissent du feuillage des Fusains d’Europe (Euonymus europaeus) :
– La Grande hyponomeute du fusain (Yponomeuta cagnagella),
– La Petite hyponomeute du fusain (Yponomeuta plumbella),
– et une troisième espèce qui n’a pas de nom vernaculaire, Yponomeuta irrorella. 

Une grappe d’Hyponomeutes dans un Fusain d’Europe

Parmi ces 3 espèces, au stade de chenille, seule la Petite hyponomeute du fusain est facile à différencier : sa tête est claire, et les extrémités de son corps portent une teinte orange délavée. Les deux autres espèces sont assez similaires et se différencient plus facilement au stade adulte : chez Y. cagnagella, le papillon porte un élégant manteau d’un blanc pur maculé de taches noires ; chez Y. irrorella, le manteau est taché en plusieurs endroits de larges taches brunâtres, comme si le papillon était passé dans un conduit de cheminée. Au stade de chenille, on peut tout de même tenter de les différencier en examinant les derniers segments de leur abdomen : chez Y. cagnagella, les taches noires sont plus petites et plus éloignées les unes des autres que chez Y. irrorella. 

La littérature mentionne que la Grande hyponomeute du fusain (Y. cagnagella) accepte d’autres plantes-hôtes que le Fusain d’Europe, notamment la Bourdaine (Frangula alnus) et le Prunellier (Prunus spinosa). Il s’agit cependant de plantes-hôtes secondaires, le Fusain d’Europe restant la plante-hôte préférée de l’espèce. Les deux autres espèces sont a priori strictement monophages.

Les Hyponomeutes des arbres fruitiers et autres Rosacées

Quatre espèces d’Hyponomeutes peuvent être rencontrées dans les arbres fruitiers et autres Rosacées :
– L’Hyponomeute du pommier (Yponomeuta malinella),
– L’Hyponomeute du cerisier (Yponomeuta padella),
– L’Hyponomeute du putiet (Yponomeuta evonymella),
– L’Hyponomeute du faux-merisier (Yponomeuta mahalebella).

C’est là que ça se complique un peu : si vous connaissez un peu le nom latin des plantes, vous remarquerez que les noms scientifiques attribués à ces espèces sont très trompeurs : le nom latin de l’Hyponomeute du putiet, evonymella, se réfère au fusain, en latin Euonymus… or cette chenille ne se nourrit pas de fusain mais de Merisier à grappes (Prunus padus) ! De même pour l’Hyponomeute du cerisier, dont le nom latin padella se réfère justement au Merisier à grappes (ou Putiet), Prunus padus… alors que la chenille se rencontre sur les Aubépines, les Prunelliers, les Sorbiers… Décidément, rien n’est évident avec les Hyponomeutes.

Une toile d’Hyponomeutes dans une Aubépine

Ces 4 espèces colonisent des essences différentes, et il est a priori possible de les différencier uniquement d’après leur plante hôte – mais vous allez voir qu’ici aussi il y a encore quelques petits pièges :

– L’Hyponomeute du pommier (Y. malinella) se nourrit essentiellement sur les Pommiers (Malus), plus occasionnellement sur les Poiriers (Pyrus communis).
– L’Hyponomeute du cerisier (Y. padella) est la plus polyphage : on la rencontre dans les Aubépines (Crataegus), le Prunellier (Prunus spinosa), le Prunier-cerise (P. cerasifera), le Prunier cultivé (P. domestica), le Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia), les Amélanchiers (Amelanchier), les Cotonéasters (Cotoneaster), et plus rarement le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb) et même certains Saules (Salix).
– L’Hyponomeute du putiet (Y. evonymella) se nourrit essentiellement de Cerisier à grappes, aussi appelé Putiet (Prunus padus), mais est aussi mentionnée sur le Merisier (P. avium) et plus rarement sur le Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia).
– L’Hyponomeute du faux-merisier (Y. mahalebella) est quant à elle monophage sur le Bois de Sainte-Lucie ou Faux-merisier (Prunus mahaleb).

Un court extrait de ce très beau reportage sur les papillons produit par Arte (durée : environ 1min30) montre des chenilles d’Hyponomeutes dites « du merisier ». Il s’agit probablement d’Yponomeuta evonymella d’après la plante-hôte et la forme allongée des points sur le corps de la chenille.

Les Hyponomeutes des saules et peupliers

Une espèce en Europe se nourrit essentiellement de Saule, et en particulier de Saule blanc (Salix alba) : l’Hyponomeute du saule (Yponomeuta rorella). Elle est également mentionnée sur les Peupliers, notamment le Peuplier blanc (Populus alba).

Les Hyponomeutes des plantes herbacées

Là encore il s’agit d’une seule espèce dans nos contrées, qui se nourrit de Grand orpin (Hylotelephium telephium) : l’Hyponomeute de l’orpin (Yponomeuta sedella). Pas de doute avec celle-ci : non seulement sa teinte jaune à l’avant et à l’arrière du corps et sa tête rougeâtre la rendent facile à différencier des autres chenilles d’Hyponomeutes, mais en plus c’est la seule à se nourrir sur les Orpins.

L’Hyponomeute de l’orpin (Yponomeuta sedella)


Bibliographie

  • Marie-André Lantz, « Élevage d’Hyponomeutes du Parc des Beaumonts (Montreuil-sous-Bois, 93), dont Y. mahalebella Gn., espèce nouvelle pour le département (Lep. Yponomeutidae) », oreina,‎ p. 17-18, consultable en ligne ici ;
  • David Demergès, « Chenilles du moment : les Yponomeutes », consultable en ligne sur oreina.org ;
  • Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten (Lepiforum) : Genus Yponomeuta ;
  • H. Bellmann, Quel est ce papillon ?, Nathan