Des « nids » de chenilles dans mes arbres fruitiers : que faire ?

Chaque année, vous êtes nombreux à découvrir, souvent avec inquiétude, qu’un grand nombre de chenilles a élu domicile dans un de vos pommiers, poiriers, pruniers, cerisiers… et sont affairées à en dévorer les feuilles, mettant possiblement en péril la future récolte. Mais de quelles chenilles s’agit-il, et sont-elles dangereuses pour nous ou pour les arbres ? Que faut-il faire ?
Je vais tenter, dans cet article, de répondre à toutes vos interrogation à leur sujet.

Qui sont-elles, et sont-elles dangereuses ?

Plusieurs espèces de chenilles peuvent être rencontrées dans les arbres fruitiers, et j’aborderai ici essentiellement les espèces qui forment des « nids » ou « cocons » sur les troncs ou dans les branches. Soyez d’emblée rassurés : il ne s’agit jamais de chenilles processionnaires, car pour rappel, les processionnaires ne vivent que dans les résineux (pin, cèdre, douglas) ou les chênes, jamais sur les arbres fruitiers.

  • Le Bombyx cul-brun
    Le Bombyx cul-brun Le Bombyx cul-brun (Euproctis chrysrrhoea) est la seule espèce vraiment urticante que l’on peut rencontrer en grand nombre dans les arbres fruitiers. On le reconnaît à ses deux points rouges sur le dessus du corps, visibles même chez les jeunes individus, et à ses lignes de courtes soies blanches sur les côtés du corps. Il possède sur le corps de plus longues soies orangées. On peut le rencontrer sur de nombreuses espèces d’arbres, car il est assez polyphage. Il est considéré comme une espèce ravageuse, et peut défolier de manière assez impressionnante les arbres les années où il pullule.
  • La Livrée des arbres
    La Livrée des arbres
    Contrairement à son voisin du dessus, la Livrée des arbres (Malacosoma neustria) est on ne peut plus inoffensive pour l’homme ou pour les animaux domestiques : elle ne possède pas de « poils » urticants. Elle est assez facile à reconnaître avec sa tête bleue ornée de 2 points noirs, et ses lignes colorées sur le dessus du corps. Les jeunes individus, grégaires, (photo de droite) se reconnaissent également à leur petite touffe de soies noires à l’extrémité de l’abdomen ; les individus plus âgés (photo de gauche) possèdent quant à eux une ligne blanche bien visible sur le dessus du corps.
    Après avoir passé quelques semaines « en famille » sur leur arbre-hôte, les chenilles quittent le « cocon familial » et se dispersent dans la végétation environnante.
  • La Grande tortue
    La Grande tortue
    Dans nos jardins, c’est essentiellement dans les cerisiers que l’on peut rencontrer les chenilles de la Grande tortue (Nymphalis polychloros). Tout à fait inoffensives, elles se déplacent en groupe sur les feuilles et les branches de leur arbre-hôte. On les reconnaît à leur couleur sombre et à leurs petites soies épineuses oranges sur le dessus du corps, nullement urticantes. Elles ont également une petite tête noire et lisse, bien détachée du reste du corps.
    Au stade adulte, la Grande tortue est un joli papillon orangé. Cette espèce est en déclin en France, et a déjà disparu de Grande Bretagne ; pour cette raison, elle est protégée en Île de France.
  • La Laineuse du cerisier
    La Laineuse du cerisier
    En raison des grands cocons de soies qu’elles tissent dans les arbres, les chenilles de la Laineuse du cerisier (Eriogaster lanestris) sont parfois confondues avec les chenilles processionnaires. On les reconnaît à leur couleur gris-bleuté et à leurs petits motifs blancs sur le corps. Les individus plus âgés possèdent des touffes de soies orangées assez courtes sur le dessus du corps, et de plus longues soies blanches éparses.
    Chez les personnes à la peau sensible, le contact de ces chenilles avec la peau peut provoquer des réactions cutanées légères et sans gravité. Il vaut mieux éviter, dans le doute, de les manipuler à main nue – il n’y a cependant aucun risque à les observer !
    Attention si vous envisagez de détruire des chenilles de Laineuse du cerisier : il existe un espèce très proche, la Laineuse du prunellier, qui est rare et protégée sur tout le territoire français. Cet article peut vous aider à les différencier, mais n’hésitez pas à me contacter en cas de doute.
  • Le Gazé 
    Le Gazé
    On observe plus rarement les chenilles du Gazé (Aporia crataegi) dans nos jardins :  autrefois très répandue, c’est une espèce de moins en moins commune, qui souffre de la disparition progressive de son habitat naturel causée par l’agriculture intensive. Elle a elle aussi déjà disparu de Grande-Bretagne, et est protégée en Île de France.
    Les chenilles du Gazé sont reconnaissables à leur dessous gris clair et à leur dessus orangé, avec des lignes latérales plus sombres. Elles sont couvertes de soies non urticantes, et sont donc inoffensives. On les rencontre le plus souvent sur des arbres et arbustes de petite taille, à environ 1 mètre de hauteur.

  • Les Hyponomeutes 
    Les Hyponomeutes
    Dans les pommiers et les poiriers, on peut parfois trouver des petits « nids » de chenilles blanc crème ou jaunâtres, couvertes de points noirs : ce sont les Hyponomeutes (Yponomeuta malinella et Y. padella dans le cas des fruitiers). Dépourvues de poils, elles ne sont pas du tout urticantes ; mais malgré leur petite taille, elles peuvent défolier très rapidement des branches d’arbre.
    Remarque : En dehors des fruitiers, on observe souvent d’importantes quantités de chenilles d’hyponomeutes dans les fusains. Les hyponomeutes qui se nourrissent de ces arbustes (Yponomeuta cagnagella, Y. irorrela et Y. plumbella) sont monophages et ne se nourrissent pas d’autres arbustes. Par conséquent, si vous trouvez des hyponomeutes dans un fusain et que vous avez des fruitiers à côté, il n’y a a priori pas de raison de s’inquiéter pour ces derniers car les hyponomeutes du fusain ne se nourrissent que de fusain. Elles appartiennent à des espèces différentes de celles qui se nourrissent de Rosacées.
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Comment sont-elles arrivées là, et pourquoi sont-elles si nombreuses ? 

Toutes les chenilles évoquées plus haut ont un point en commun : elles sont grégaires. Chez ces espèces, la femelle adulte va pondre tous ses œufs au même endroit, et les jeunes chenilles naissantes vont tisser une toile de soie dans laquelle elles passeront une partie ou la totalité de leur vie larvaire. Si vous avez un « nid » de ces chenilles dans votre arbre fruitier, ne croyez pas qu’il s’agit d’une invasion et qu’elles vont proliférer : cela signifie simplement que quelques semaines ou mois plus tôt, une femelle papillon a « choisi » votre arbre pour que ses chenilles s’y développent.

Cependant, toutes ces chenilles ne vont pas devenir des papillons : beaucoup d’entre elles vont mourir avant d’atteindre le stade nymphal, et d’autres mourront au stade adulte avant d’avoir eu le temps de se reproduire. Les chenilles ont de nombreux prédateurs (voir cet article qui y est consacré) ; sans que vous le sachiez, une partie des chenilles que vous pourrez observer dans vos arbres fruitiers est en réalité parasitée par des guêpes ou des mouches parasitoïdes, et vouée à mourir avant d’atteindre le stade adulte. Une autre partie sera mangée par les oiseaux ou par les insectes, et une autre encore pourra mourir d’une atteinte virale.

Comment s’en débarrasser ?

Bien sûr, la présence de ces chenilles peut poser problème si l’arbre-hôte est assez jeune, ou si vous espérez en récolter les fruits cette année. En revanche, si l’arbre est assez âgé et que vous ne souhaitez pas spécialement en récolter les fruits, ou bien si vous disposez d’un nombre suffisant de fruitiers pour pouvoir « sacrifier » une petite partie de votre récolte, vous pouvez aussi tout à fait décider de ne pas intervenir, et regarder les chenilles grandir. Dans le cas contraire, voici quelques conseils pour vous débarrasser des chenilles indésirables.

  • Les déplacer
    Il est bien souvent possible de déplacer le nid de chenilles dans un autre arbre si vous souhaitez préserver à la fois l’arbre et les chenilles. Il faudra cependant prendre des précautions particulière si les chenilles sont des Bombyx cul-brun (si vous avez un doute, contactez-moi), en se munissant de gants et en faisant bien attention à éviter tout contact avec les chenilles.
    Dans le cas des autres espèces, non urticantes, la marche à suivre est simple : il suffit de couper l’extrémité de la branche ou se trouve le nid, et d’aller la déposer ailleurs. Un simple sécateur et un récipient (type seau) suffisent. Si vous n’avez pas envie de toucher les chenilles à main nue, vous pouvez les faire tomber dans le seau à l’aide d’un pinceau.
    Attention cependant : ces chenilles ne peuvent pas manger tout et n’importe quoi. Voici, pour chaque espèce, une liste (non exhaustive) des arbres dans lesquels les chenilles peuvent être déplacées :

Bombyx cul-brun → Aubépine, prunellier, chênes, charme, saules, églantier, orme, hêtre, ronces, arbousier, argousier…
Livrée des arbres → Aubépine, prunellier, chênes, charme, saules…
Grande tortue → Saules, peupliers, ormes, merisier…
Laineuse du cerisier → Aubépine, prunellier, saules, sorbier, bouleau…
Gazé → Aubépine, prunellier, églantier, bourdaine…
Hyponomeutes → Il existe plusieurs espèces d’Hyponomeutes. S’il s’agit de l’Hyponomeute du cerisier (Yponomeuta padella), les chenilles peuvent être déplacées dans les aubépines, prunelliers ou sorbiers.

  • Les détruire
    Ce n’est évidemment pas une solution que je recommande, mais je comprends que dans certains cas les jardiniers choisissent de détruire les chenilles, notamment s’il s’agit de chenilles de Bombyx cul-brun, espèces considérées comme ravageuse. Cependant, si vous choisissez cette solution, faites le en connaissance de cause : soyez sûr(e) de l’identité des chenilles que vous allez tuer. Et s’il s’agit de chenilles de Gazé, de Laineuses ou de Petite tortue, essayez malgré tout d’en déplacer ou d’en épargner au moins quelques unes, car ces espèces sont en déclin.
    Prenez aussi en compte le fait qu’en détruisant les chenilles, vous détruisez également les larves de guêpes parasitoïdes ou de mouches tachinaires qu’elles sont susceptibles d’héberger, et qui, l’année suivante, auraient participé à la « régulation » naturelle de leurs populations.
  • Scotch ou glu sur le tronc, la fausse bonne idée
    On trouve encore souvent ce conseils sur les groupes de jardinage, et des bandes de « glu arboricole anti-chenille » sont même disponibles dans le commerce. La technique consister à poser tout autour du tronc une substance collante, supposée empêcher les insectes de monter le long du tronc. Efficace contre les fourmis, cette méthode est totalement inutile pour lutter contre les chenilles dont il est question dans cet article, et si vous avez lu ce que j’ai écrit plus haut, vous avez compris pourquoi : s’il y a des « nids » de chenilles dans votre arbre, c’est parce qu’un papillon est venu pondre ses œufs directement sur les branches. Et un papillon… ça ne rampe pas le long d’un tronc, ça vole ! La bande de glu servira tout au plus à empêcher les chenilles de redescendre une fois leur développement terminé ; mais à ce moment-là, elles auront cessé de se nourrir, et il ne sera plus vraiment nécessaire de chercher à s’en débarrasser.

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    Pire encore, les bandes de glu peuvent se révéler être de véritables pièges pour la faune, et notamment pour les oiseaux et mammifères qui voudraient se nourrir des insectes piégés sur la glu. Ils se retrouvent à leur tour englués, et s’ils ne meurent pas d’épuisement, peuvent s’arracher les plumes ou la peau en tentant de s’échapper. La photo ci-dessus, issue de cette publication sur la page facebook d’un gîte nature, montre côte à côte une chauve-souris et une Mésange charbonnière piégées sur une bande de glu, qui ont tout deux succombé par la suite à leurs blessures. 
    Vous l’aurez compris, cette méthode est vraiment à proscrire : inutile et dangereuse !

Pour résumer cet article, une petite fiche récapitulative que vous pouvez enregistrer et diffuser si nécessaire :

Fiche fruitiers paysage

Dernière mise à jour de la page : mai 2023