Les prédateurs des chenilles sont très nombreux : on peut citer les oiseaux, les guêpes parasitoïdes, les mammifères insectivores (comme les musaraignes), les souris, les serpents, les grenouilles, les lézards, les insectes, les araignées… Vous l’aurez compris, la vie de chenille n’est pas toujours facile : pour arriver au stade nymphal et espérer un jour devenir papillon, la chenille doit faire face à de nombreuses menaces. Nous allons nous intéresser aux principaux prédateurs des chenilles en France, détailler leur mode de prédation et évoquer les moyens que peuvent employer les chenilles pour se défendre.
Les oiseaux
La plupart des oiseaux insectivores sont susceptible de se nourrir de chenilles. Les petits passereaux comme les mésanges sont particulièrement efficaces : leur habileté au vol leur permet d’aller chercher les chenilles dans les endroits les plus inaccessibles où elles auraient pu se cacher : au sommet d’une branche, sur le revers d’une feuille, dans leur nid de soie … Même les petits passereaux granivores comme les moineaux domestiques peuvent chasser les chenilles et autres larves au printemps pour nourrir leurs jeunes, qui ont besoin de protéines lors de leurs premières semaines de développement.
D’autres oiseaux vont davantage consommer les chenilles qui se trouvent dans le sol ou contre l’écorce des arbres. C’est le cas de la Huppe fasciée, dont le long bec permet de sonder la terre et de déloger les larves de noctuelles terricoles et les chrysalides, mais aussi de chercher dans l’écorce des arbres les chenilles du Cossus gâte-bois. On peut également citer les pics et, dans une moindre mesure, les petits insectivores « corticoles » (qui se nourrissent sur les troncs) comme les grimpereaux et la Sittelle torchepot, qui chassent de la même manière les larves cachées sous les écorces.
Lorsqu’elles se déplacent au sol, les chenilles sont également la proie des merles, des étourneaux, des corvidés (pies, corneilles…), et des autres oiseaux qui s’alimentent principalement par terre.
Comment s’en protéger ?
Les oiseaux sont des prédateurs très efficaces des chenilles, capables de les trouver même lorsqu’elles se cachent. Pour se protéger, certaines chenilles se fondent dans leur environnement grâce à leurs couleurs mimétiques. Le cas le plus spectaculaire est sans doute celui de la chenille d’Euthalia aconthea, une espèce de Nymphalidé asiatique, dont la ligne médiane jaune et les longues soies vertes imitent à la perfection les nervures de la feuille sur laquelle elle se nourrit.
En France, on peut citer l’impressionnante chenille de la Fiancée (Catocala sponsa) qui ressemble à un morceau de branche couvert de lichen. Mais beaucoup d’autres espèces se confondent dans leur environnement, de manière plus ou moins convaincante.
D’autres espèces possèdent sur leur tégument des motifs imitant des yeux de mammifère, censés surprendre et repousser les prédateurs. Les chenilles du Petit sphinx de la vigne (Deilephila porcellus) ont sur la partie supérieure du corps deux ocelles (taches en forme d’yeux) imitant les yeux d’un serpent. Lorsqu’elles sont inquiétées, elles rentrent leur tête dans leur thorax et prennent alors l’aspect d’un serpent. Cette technique est adoptée par d’autres espèces de la famille des Sphingidés et notamment par la chenille d’Hemeroplanes triptolemus, une espèce américaine, chez laquelle cette stratégie est encore plus convaincante.
Pour dissuader les prédateur de les consommer, certaines chenilles peuvent également dégager une mauvaise odeur, ou un goût désagréable. C’est le cas de certaines espèces de la famille des Papilionidés, et notamment du Machaon (Papilio machaon). La chenille de ce dernier possède un petit organe charnu rétractable situé sur le premier segment du thorax et que l’on appelle osmeterium ; lorsqu’elle se sent en danger, elle peut le dévaginer. La forme en fourche de cet organe évoque également celle de la langue d’un serpent, mais il n’a pas été démontré qu’elle a pour vocation d’évoquer cette dernière. Chez le Machaon, l’osmeterium dégage une odeur de carotte – probablement parce qu’il se nourrit de plantes de la famille des Apiacées.
Enfin, certaines chenilles sont capables d’émettre des sons pour surprendre et effrayer leurs prédateurs… Voir ici.
Les guêpes parasitoïdes
Discrètes par leur rapidité et leur petite taille, les guêpes parasitoïdes sont également d’importantes prédatrices de chenilles. Il s’agit principalement d’espèces appartenant à la famille des Braconidés et des Ichneumonidés.

Leur mode de prédation est, en général, toujours le même : les femelles de ces guêpes pondent, grâce à leur long ovipositeur (organe de ponte), leurs œufs directement sous la peau des chenilles. Les larves ne tardent pas à éclore, et se nourrissent à l’intérieur de la chenille, en évitant soigneusement ses organes vitaux. Tout au long de leur développement, la chenille reste vivante et continue généralement à s’alimenter. Lorsque les larves parasites arrivent au terme de leur développement, elles quittent leur hôte et tissent leur cocon directement autour de la chenille.
En général, la chenille meurt peu de temps après, mais ce n’est pas le cas de toutes. Certaines chenilles, une fois débarrassées de leurs parasites, vont protéger leurs cocons en tissant des fils de soie par dessus, et en empêchant d’éventuels autres parasites de s’en approcher (oui, il existe également des parasite de parasites – on appelle ce phénomène hyperparasitisme !). Dans tous les cas, la mort est la seule issue possible pour une chenille parasitée.
D’autres parasites : les tachinaires
Les tachinaires ou Tachinidés sont une grande famille de mouches parasites. Leur mode opératoire est similaire à celui des guêpes évoquées plus haut, à ceci près qu’elles ne pondent pas leurs œufs dans la chenille, mais sur sa peau. En règle générale, chaque mouche ne pond qu’un œuf sur chaque hôte. Une fois pondu, l’œuf est très difficile à retirer de la chenille sans la blesser.
Après son éclosion, la larve des tachinaires pénètre à l’intérieur de son hôte (dans notre cas une chenille, mais certaines tachinaires parasitent également les punaises). Elle n’en sortira généralement pas avant d’être adulte. Il y a alors deux cas de figure :
– La chenille meurt avant sa propre nymphose (= transformation en chrysalide), avec des larves ou des pupes (équivalent de la chrysalide chez les mouches) à l’intérieur d’elle. Exemple : ci dessous, à gauche, une chenille de Petit sphinx de la vigne retrouvée morte, et une larve de mouche à côté.
– La chenille effectue sa nymphose, mais ce sont des mouches qui sortent de sa chrysalide. Exemple : ci dessous, à droite, une chrysalide de Nymphalidé qui contenait 2 pupes et 2 asticots. Après quelques jours, c’est une mouche adulte qui sort de la pupe, prête à se reproduire et à parasiter à son tour des chenilles…
→ Lorsqu’on élève des chenilles, il faut donc bien prendre en compte le facteur « parasitisme », et ne pas s’étonner de se retrouver avec des mouches ou des guêpes à la place des papillons attendus ! Le seul moyen d’éviter ou de réduire le parasitisme est d’élever les chenilles depuis l’œuf ou depuis les premiers stades larvaires.
Ci-contre, cette tachinaire est sortie d’une pupe retrouvée dans ma serre à chenilles, et dont je n’ai jamais su la provenance…
Encore des guêpes ! Les guêpes « fouisseuses »
Certaines espèces d’Hyménoptères de la famille des Sphecidés sont d’importantes consommatrices de chenilles. Bien qu’elles soient floricoles au stade adulte, leurs larves, elles, sont carnivores.
Après l’accouplement, les femelles des guêpes de cette famille creusent des galeries dans la terre ou dans le sable (d’où leur nom de « fouisseuses »). Elles partent ensuite à la recherche d’une proie. Chaque espèce de guêpe a sa ou ses proies de prédilection : pour les Ammophila (ci-contre, A. sabulosa) et les Poladonia, il s’agit généralement de chenilles, mais d’autres genres sont spécialisés dans la prédation d’araignées, de mouches, de coléoptères…
Une fois la proie repérée, elle est paralysée par la guêpe et transportée jusqu’à sa galerie. La guêpe la dépose au fond de la galerie, puis pond son œuf par dessus et ferme l’entrée de la galerie. La chenille servira alors de garde-manger à la future larve, qui s’en nourrira dès sa naissance. Chaque guêpe peut ainsi creuser plusieurs galeries, et garnir chaque galerie d’une nouvelle proie…
Des Coléoptères « experts »
Certaines espèces de Coléoptères se nourrissent quasi-exclusivement de chenilles ; c’est le cas, par exemple, du Silphe à quatre points (Dendroxena quadrimaculata), un Silphidé que l’on rencontre dans les boisements de chênes et qui est très friand des chenilles du Bombyx disparate et des Processionnaires du chêne. Un autre prédateur de ces chenilles est le Grand calosome (Calosoma sycophanta) ; il est si efficace qu’il a été introduit aux Etats-Unis dans les années 1920 pour lutter contre les pullulations de Bombyx disparate.
Les autres prédateurs
Outre les oiseaux et les insectes évoqués plus haut, les chenilles sont également la proie de reptiles, de mammifères et d’amphibiens. Mais il ne s’agit pas d’espèces spécialisées dans la prédation des chenilles : ce sont plutôt de proie ponctuelles, consommées lorsqu’elles se trouvent sur leur chemin.
Photographies utilisées :
– Chenille d’Euthalia aconthea par l’utilisateur Wohin Auswandern sur Flickr.
– Chenille de Papilio polyxenes dévaginant son osmeterium par l’utilisateur Styler sur Wikimedia commons.
– Ammophile des sables (Ammophila sabulosa) par l’utiliateur Jerzy Strzelecki sur Wikimedia commons.
Dernière mise à jour de la page : avril 2020