Vous commencez à vous intéresser aux chenilles et vous souhaitez connaître les principaux critères à prendre en compte pour les identifier ? Cette page va tenter de vous aider à y voir plus clair !
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Le nombre de paires de fausses-pattes
Comme tous les insectes, les Lépidoptères sont pourvus de 3 paires de pattes. Les chenilles semblent, à première vue, posséder davantage de pattes : en réalité, elles ont bien 6 vraies pattes, situées sur le thorax, accompagnées d’un certain nombre de « fausses pattes », situées sur l’abdomen.
La plupart des espèces de chenilles possède 5 paires de fausses pattes abdominales, mais il existe des exceptions :
- Les chenilles de Géométridés ne possèdent que 2 paires de fausses pattes, situées sur le 6ème et le 10ème segment de l’abdomen. Elles ont une allure et un mode de déplacement caractéristiques, qui leur vaut le nom de chenilles arpenteuses. Il y a cependant quelques rares exceptions, certaines chenilles de Géométridés pouvant posséder quelques paires de fausses pattes en plus, partiellement atrophiées ou non fonctionnelles.
Chenille de l’Himère-plume (Colotois pennaria), une Géométridé
- Certaines chenilles de Noctuidés (notamment chez les Plusinae et les Bagisarinae) et d’Érebidés ne possèdent que 3 paires de fausses pattes. On a vite fait de les confondre avec des chenilles de Géométridés, car elles se déplacent de la même manière, et ont un aspect général assez similaire. (voir page suivante : Caractéristiques des chenilles des principales familles de Lépidoptères observables en France)
Ma chenille a plus de cinq paires de fausses pattes, du coup c’est quoi ?
Dans ce cas, ce n’est pas une chenille mais plutôt une larve de tenthrède ! Les tenthrèdes n’appartiennent pas à l’ordre des Lépidoptères (les papillons), mais à celui des Hyménoptères (comme les guêpes, les abeilles, les fourmis…). Au stade adulte, elles ressemblent à de petites guêpes, mais sans « taille de guêpe » (pas d’étranglement entre le thorax et l’abdomen).
Ma chenille n’a pas du tout de fausses pattes.
Ce n’est pas une chenille non plus, plutôt une larve de Diptère ou de Coléoptère.
Pour résumer, si votre chenille possède 2 paires de fausses-pattes, cherchez du côté des Géométridés. Si elle en possède 3, cherchez plutôt chez les Noctuelles Plusiinae ou chez les Érebidés Catocalinae. Si elle en possède 5, cherchez dans les autres familles.
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La pilosité de la chenille
Certaines chenilles sont totalement glabres, d’autres sont légèrement velues, et d’autres encore sont densément couvertes de soies (c’est le nom qu’on donne aux « poils » des chenilles – à ne pas confondre avec la soie qu’elles tissent !)
Ce critère seul ne permet généralement pas d’identifier la famille à laquelle appartient une chenille : au sein d’une même famille, on peut trouver des espèces très poilues et d’autres dépourvues de soies. Mais dans certaines familles, on peut trouver plusieurs espèces possédant une pilosité assez similaire :
- Chez les Lasiocampidés de France, le corps et la tête des chenilles sont densément couverts de soies. Dans la sous-famille des Lasiocampinés (Macrothylacia, Lasiocampa, Eriogaster), on peut généralement bien distinguer les différents segments de l’abdomen malgré la dense pilosité, alternant entre des zones de soies courtes et des touffes de soies plus longues.
- Chez les écailles (famille des Érebidés, sous-famille des Arctiinés), le corps est souvent couvert de longues et fines soies, mais la tête est assez petite et glabre.
À gauche, un Lasiocampidé : la Buveuse (Euthrix potatoria). Sa tête, volumineuse par rapport à son corps, est couverte de soies. À droite, une écaille : l’Écaille martre (Arctia caja). Sa tête est petite par rapport à son corps, luisante, et glabre.
- Chez les Nymphalidés, les chenilles portent souvent des soies épineuses. Il peut s’agir de petite protubérances pointues couvertes de soies, ou bien de soies étoilées comme un petit sapin.
Trois chenilles de Nymphalidés : la Grande tortue (Nymphalis polychloros), le Paon du jour (Aglais io) et le Damier des alpages (Euphydryas cynthia), portant toutes des soies épineuses.
Observer la pilosité de la chenille peut donc dans certains cas aider à se diriger vers une famille, ou au moins en éliminer certaines.
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La plante-hôte
La grande majorité des chenilles est phytophage et se nourrit des feuilles, des bourgeons ou des tiges des plantes. Ce n’est pas pour autant qu’elles peuvent se nourrir de n’importe quelle plante : souvent, une espèce de Lépidoptère est liée à une ou plusieurs plantes, sur lesquelles la femelle adulte va pondre, et dont les chenilles vont se nourrir ; on parle alors de plante-hôte, ou de plante nourricière.
Certaines chenilles sont monophages : elles ne se nourrissent que d’une seule espèce végétale. C’est le cas de la Petite tortue (Aglais urticae), qui se nourrit exclusivement d’Orties. D’autres sont oligophages et ne se nourrissent que d’un petit nombre de plantes, souvent appartenant à la même famille botanique, ou a des familles botaniques proches. Ainsi, le Citron (Gonepteryx rhamni) se nourrit de plantes appartenant à la famille des Rhamnacées, comme le Nerprun ou la Bourdaine. Il est alors relativement facile de retrouver le nom d’une chenille en recherchant les espèces qui se nourrissent de la plante sur laquelle elle a été observée. Il suffit parfois même de chercher « chenille + nom de la plante » sur Google pour trouver rapidement la réponse…
Mais ce n’est pas toujours si simple ! Certaines chenilles sont polyphages et peuvent se nourrir d’un grand nombre de plantes différentes, voire même changer de plante au cours de leur développement. Le Bombyx du chêne (Lasiocampa quercus) par exemple porte mal son nom et est en réalité très polyphage : il peut se nourrir aussi bien sur des arbres que sur des arbustes, voire même sur des plantes herbacées.
Relever la plante-hôte sur laquelle a été observée la chenille reste néanmoins intéressant même lorsqu’il s’agit d’espèces polyphages.
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La période de l’année
Certaines chenilles ne se rencontrent qu’à un moment précis de l’année : c’est surtout le cas pour les espèces monovoltines (qui n’ont qu’une seule génération par an, et donc qui ne se reproduisent qu’à un moment dans l’année). La période d’observation est toujours à peu près la même d’année en année. Elle dépend bien sûr de la température, qui conditionne le développement des plantes et donc de la nourriture des chenilles, mais aussi du cycle de développement de chaque espèce : certaines passent l’hiver au stade d’œuf, d’autres au stade de chenille, de chrysalide ou encore d’imago (papillon).
– Si l’espèce passe l’hiver au stade d’œuf, les chenilles vont généralement éclore au début du printemps et commenceront à se développer à ce moment. On aura du mal à les observer au début du printemps, parce qu’elles seront minuscules : il faudra attendre quelques semaines pour les trouver facilement.
– Certaines espèces hivernent au stade de chenille : elles ont généralement déjà entamé leur développement au cours de l’été et de l’automne précédent. Chez le Bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea) ou le Gazé (Aporia crataegi), les chenilles passent l’hiver alors qu’elles sont encore toutes petites, au deuxième ou au troisième stade larvaire. Au début du printemps, elles sont donc encore minuscules. Chez le Bombyx de la ronce (Macrothylacia rubi) en revanche, la chenille a déjà atteint le dernier stade larvaire au moment de passer l’hiver, et attend le tout début du printemps pour se nymphoser. On peut donc l’observer à plusieurs moment dans l’année : au tout début du printemps (chenille mature sortant d’hivernage), à la fin du printemps et en été (jeunes chenilles), et en automne (chenilles matures sur le point d’hiverner).
– Enfin, les espèces qui passent l’hiver au stade de chrysalide ou d’imago se reproduisent seulement au printemps, et leurs chenilles se rencontrent quand la saison est déjà un peu avancée. C’est le cas par exemple de la Grande tortue (Nymphalis polychloros), dont on observe les chenilles aux mois de mai et juin.
Ce sont bien sûr des généralités, certaines espèces ne rentrent pas tout à fait dans les cases décrites au dessus ! Mais prendre en compte la biologie de l’espèce peut parfois permettre d’éliminer certaines pistes lorsqu’on cherche à identifier une chenille.
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La région d’observation
Certaines espèces ne sont présentes que dans certaines régions de France, et parfois même très localisées en fonction du climat ou de l’altitude. Vérifiez que l’espèce que vous pensez avoir trouvée a déjà été observée dans votre région ! Si ce n’est pas le cas, mais qu’elle a été observée dans le département juste à côté, il se peut que l’information intéresse les associations naturalistes locales (qui pourront valider au passage votre identification). En revanche, si vous pensez avoir observé dans les Ardennes une espèce qui n’a jusqu’ici été observée que dans les Alpes de Haute Provence, vous avez sûrement fait une erreur de détermination.
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Le stade de développement de la chenille
Les guides d’identification montrent souvent les chenilles à leur dernier stade de développement, mais chez certaines espèces, la couleur et les motifs peuvent beaucoup changer d’un stade à l’autre.
Deux chenilles de Petit paon de nuit (Saturnia pavonia), l’une au seconde stade larvaire et l’autre au dernier.
Une bonne solution pour confirmer l’identification d’une chenille trouvée très jeune est de l’élever jusqu’au dernier stade larvaire, voire jusqu’à l’émergence du papillon.
Page suivante : Caractéristiques des chenilles des principales familles de Lépidoptères observables en France
Bibliographie
Ouvrages :
- D. J. Carter, B. Hargreaves, Guide des chenilles d’Europe, Delachaux et Niestlé
- J-F. Aubert, Papillons d’Europe I et II, Delachaux et Niestlé
- B. Henwood, P. Sterling, R. Lewington, Field Guide to the Caterpillars of Great Britain and Ireland, Bloomsbury Wildlife Guides
- T. Lafranchis, D. Jutzeler, J.Y. Guillosson, P. & B. Kan, La vie des papillons de France, Ecologie, Biologie et Comportement des Rhopalocères de France, Diatheo
- T. Lafranchis, Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles, Parthénope
Web :