Le Bombyx de la ronce (Macrothylacia rubi)

Cette grosse chenille noire et orange est fréquemment rencontrée en automne et au début du printemps. C’est l’une des plus volumineuses et des plus « poilues » que l’on peut rencontrer en France.

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Le Bombyx de la ronce

Cycle de vie

C’est au mois de mai que la femelle du Bombyx de la Ronce pond ses œufs. Active la nuit, il arrive qu’elle s’approche des habitations, attirée par la lumière. Comme les chenilles de cette espèce sont très polyphages, la femelle ne dépose pas nécessairement ses œufs sur une plante-hôte : ils peuvent être pondus à la base des plantes basses, sur des tiges, ou bien parfois même sur les bords de fenêtre, les murs des maisons, les pots de fleurs, le mobilier de jardin… Durs et allongés, de forme ovale, ils sont assez gros (2,5 mm de diamètre) et faciles à reconnaître à leur couleur beige et à leurs taches et anneaux bruns. La femelle les pond côte à côte, les uns sur les autres, formant un tas peu organisé. L’incubation dure environ 3 semaines, en fonction des conditions météorologiques.
Très vite après l’éclosion, les jeunes chenilles se dispersent aux alentours à la recherche de plantes nourricières : n’étant pas grégaires, elles partent chacune de leur côté.
Tout au long de l’été, les chenilles se nourrissent et grandissent. La journée, elles se reposent à découvert sur les feuilles, ou cachées derrière des pierres. Elles sont à ce stade assez discrètes et ne se laissent pas souvent observer.
Ce n’est qu’à la fin de l’été, quand elles ont atteint le terme de leur développement larvaire, qu’on les observe le plus fréquemment : on peut les voir traverser les routes et les chemins de campagne à la recherche d’un abri pour l’hiver. Elles hivernent à l’abri dans la litière, et ne sortent de leur léthargie qu’au printemps suivant, aux premiers rayons du soleil. On peut alors à nouveau les observer lorsqu’elles prennent des bains de soleil à découvert, puis lorsqu’elles vadrouillent le long des chemins, cette fois-ci à la recherche d’un abri pour la nymphose. Lors de ces déplacements, il arrive qu’elles se fassent attraper par des prédateurs, ou écraser par des vélos, des voitures, ou des piétons.
Peu avant la nymphose, les chenilles tissent un cocon de soie assez fin, de forme ovale et de couleur brune. La chrysalide, volumineuse, y demeure pendant quelques semaines ; l’émergence de l’imago a généralement lieu en mai ou juin.

Plantes-hôtes

Cette chenille apprécie les plantes de la famille des Rosacées : Ronces (Rubus), Églantiers et Rosiers (Rosa), Prunellier et autres Prunus, Potentilles (Potentilla), Petite pimprenelle (Sanguisorba minor)… Mais également d’autres plantes basses ou ligneuses : Bruyères (Erica et Calluna), Myrtilles (Vaccinium), Saule rampant (Salix repens), Bouleau (Betula pendula), Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare), Trèfle des prés (Trifolium pratense), Vesce craque (Vicia cracca), Reine des prés (Filipendula ulmaria) … 

Répartition

On rencontre cette espèce dans une vaste partie de l’Europe à l’exception du Sud de la région Méditerranéenne, du Nord de l’Espagne au fleuve Amour en Asie. En France, on peut la rencontrer partout. C’est l’un des Lasiocampidés les plus abondants dans nos régions, mais il connaît néanmoins un déclin significatif à l’instar de beaucoup d’autres espèces de Lépidoptères…

Étymologie

Le Bombyx de la Ronce porte le nom scientifique Macrothylacia rubi. Ce nom de genre est composé des mots grecs μακρός (makrós) signifiant « grand, long », et θύλακος (thulakos) signifiant « poche, sac ». En traduisant très littéralement, on comprend que le Bombyx de la Ronce est désigné sous le nom de « gros sac » ! Il faut sans doute y voir une référence au cocon tissé par la chenille peu avant la nymphose, qui prend la forme d’un sac allongé. *
Quant à l’épithète spécifique rubi, il renvoie tout simplement à la Ronce, rubus en latin, qui est l’une des plantes-hôtes des chenilles.
En français, on désigne aussi le Bombyx de la Ronce sous le nom d’Anneau du diable, en référence au comportement de la chenille qui s’enroule sur elle-même lorsqu’elle est dérangée, et sans doute également à ses couleurs orangées, rappelant celles des flammes. Les anglophones l’appellent d’ailleurs Fox moth, soit « papillon (de nuit) renard ».

Moyens de défense, prédateurs et parasites

Le corps de la chenille du Bombyx de la Ronce est couvert d’une très épaisse toison de poils bruns, aux propriétés légèrement urticantes, qui font office de protection contre les prédateurs en la rendant peu appétissante et difficile à saisir. Lorsqu’elle est inquiétée, la chenille se replie sur elle-même, devenant alors encore plus difficile à appréhender. Mais cet accoutrement ne fait pas peur à certains oiseaux, notamment au Coucou (Cuculus canorus), qui n’a pas peur des poils, et qui débusque au sol les chenilles velues pour les éviscérer puis les manger.
Mais le Coucou n’est sans doute pas le plus redoutable des ennemis du Bombyx de la Ronce. Ceux dont ces chenilles doivent se méfier, ce sont les Hyménoptères et les Diptères parasitoïdes : ils pondent leurs œufs à l’intérieur du corps (ou sur les poils) de la chenille, et leurs larves se développent à l’intérieur de leur hôte.
Du côté des Hyménoptères, ce sont essentiellement les Ichneumons qui parasitent notre chenille. Les guêpes Pimpla rufipes, Amblyteles armatorius, Apechthis quadridentata ou encore A. rufata sont de redoutables parasitoïdes de chenilles : très généralistes, elles pondent indifféremment dans le corps de nombreuses espèces différentes.
Plus spécialiste, la mouche Carcelia lucorum parasite tout spécialement les chenilles poilues, en déposant ses œufs pédicellés sur les poils des chenilles. La larve sortie de l’œuf doit se hisser jusqu’à la base du poil pour pénétrer le corps de son hôte (on parle de larve planidium).
En dehors des parasitoïdes, d’autres insectes peuvent se nourrir des chenilles de ce Bombyx : certains Coléoptères carnassiers, ou certaines Punaises prédatrices, comme Picromerus bidens ou Jalla dumosa. Ces dernières insèrent leur rostre dans les chenilles pour les vider de leur contenu.
Enfin, il faut mentionner également que les activités humaines font payer un lourd tribut aux chenilles du Bombyx de la Ronce : en automne, lorsqu’elles se mettent à la recherche d’un abri pour passer l’hiver, puis au printemps, quand elles se réveillent d’hibernation, beaucoup d’entre elles se font écraser par les véhicules en traversant les routes. Sur cinq kilomètres de piste cyclable, j’ai ramassé l’automne dernier 7 chenilles écrasées de cette espèce (voir photo plus bas), alors que la piste cyclable n’était pas très fréquentée, ou en tout cas beaucoup moins que la route voisine ! Il est très frustrant de penser que toutes ces chenilles avaient réussi à atteindre leur dernier stade de développement ; après avoir survécu aux prédateurs et aux parasitoïdes, le plus dur était derrière elles. Leur mort est d’autant plus frustrante qu’elle ne sert pas à grand chose : tout au plus quelques corneilles vont venir se nourrir des cadavres pas trop écrasés sur le bord des routes. On ne peut sans doute pas y faire grand chose, et je ne blâme personne : j’ai dû moi-même écraser accidentellement pas mal de chenilles en voiture !

Une chenille dangereuse ?

Chez les personnes à la peau sensible, ou sujettes aux réactions allergiques, le contact de cette chenille peut provoquer des réactions cutanées (démangeaisons ou brûlures légères), mais rien de comparable avec ce que peuvent causer les chenilles processionnaires. N’ayez crainte si vous trouvez une de ces chenilles dans votre jardin : vous pouvez la déplacer délicatement à l’aide d’une cuillère à soupe et d’un récipient quelconque. Il n’y a pas de risque à s’en approcher ou à l’observer de près, il faut juste éviter de l’embêter !

Galerie photos (Cliquez sur les photos pour les afficher en grand !)

Il faut avouer que les photos présentées dans cette galerie ne sont pas terribles : je n’ai pas encore eu l’occasion de photographier « proprement » cette chenille. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai justement des œufs de Bombyx de la Ronce qui viennent d’éclore, mais… l’objectif de mon appareil photo est en réparation à l’autre bout du pays !! Quoi qu’il en soit je vais tâcher de renouveler rapidement ces photos pour vous en présenter de plus belles, dans un environnement naturel.

Bibliographie

  • D. J. Carter, B. Hargreaves, Guide des chenilles d’Europe, Delachaux et Niestlé
  • J-F. Aubert, Papillons d’Europe I, Delachaux et Niestlé
  • B. Henwood, P. Sterling, R. Lewington, Field Guide to the Caterpillars of Great Britain and Ireland, Bloomsbury Wildlife Guides
  • H. Bellmann, Quel est ce papillon ?, Nathan
  • A. Lequet, Biologie et développement du Bombyx de la Ronce,
  • Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten (Lepiforum) : Macrothylacia rubi
  • Lepidoptera and their ecology : Macrothylacia rubi
  • Moths and Butterflies of Europe and North Africa : Macrothylacia rubi
  • Lépinet : Macrothylacia rubi
  • Artemisiae, le portail dynamique national sur les papillons de France : Macrothylacia rubi
  • The Ecology of Commanster, Ecological Relationships Among More Than 7700 Species : Macrothylacia rubi

Photographies utilisées :
– Imago du Bombyx de la Ronce par l’utilisateur Père Igor sur Wikimedia commons.

* Pour l’étymologie, j’ai repris les conclusions de Robin Noel (entomophila) et de Jean-Yves Cordier (lavieb-aile) publiées sur leurs blogs respectifs !

Dernière mise à jour de la page : août 2021