Les chenilles sont quasi-exclusivement phytophages, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent de végétaux. Ce n’est pas pour autant qu’elles peuvent manger tous les végétaux ! En réalité, la plupart des espèces de chenilles sont liées à une où plusieurs plantes, que l’on appelle plante-hôte ou plante nourricière. C’est la plante sur laquelle l’imago va pondre ses œufs, et que consommeront les chenilles de leur naissance à leur nymphose.
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Monophage, oligophage ou polyphage ?
Certaines espèces sont strictement monophages, c’est-à-dire qu’elles n’acceptent de se nourrir que d’une seule plante. C’est le cas du Paon du jour (Aglais io) en photo ci-contre, qui ne se nourrit que sur les orties. Les chenilles monophages se déplacent très peu et restent à proximité immédiate de leur plante-hôte tout au long de leur développement.
D’autres espèces ne se nourrissent que d’un nombre limité de plantes, souvent très proches ou appartenant à la même famille botanique : on dit qu’elles sont oligophages (oligos, en grec, signifie « peu abondant »). C’est le cas de la chenille de la Mélitée du plantain, qui se nourrit de Plantaginacées (plantains et véroniques).
Enfin, d’autres espèces sont moins difficiles et peuvent se nourrir de diverses plantes ligneuses (arbres) ou herbacées (plantes basses) : on dit alors qu’elles sont polyphages. La chenille de l’Écaille martre (Arctia caja) par exemple se nourrit de nombreuses espèces végétales différentes, aussi bien ligneuses qu’herbacées. C’est une chenille qui se déplace beaucoup : comme elle peut se nourrir de beaucoup de plantes différentes, elle peut se permettre de se déplacer sans craindre de se retrouver à cours de nourriture. On l’observe souvent en train de courir dans l’herbe ou le long des sentiers.
De manière générale, en l’absence de leur plante-hôte, les chenilles cessent de se nourrir même si l’on met à leur disposition d’autres plantes. Une chenille privée de sa plante-hôte est donc condamnée.
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J’ai trouvé une chenille et je voudrais l’élever mais je ne sais pas ce qu’elle mange, que faire ?
La première chose à faire dans cette situation est de chercher à identifier la chenille. Vous pouvez pour cela utiliser un guide d’identification, ou bien un site internet dédié à l’identification des chenilles (Lépinet si vous avez une idée de la famille à laquelle appartient la chenille, ou bien Quelle est cette chenille ? si vous débutez). Si vous n’avez vraiment aucune idée de l’identité de votre chenille, vous pouvez également poster un message sur un groupe facebook comme Entomologie France ou Quel est cet insecte ? (évitez cependant les groupes de jardinage, on y trouve parfois de très très mauvais conseils !).
Une fois que vous avez mis un nom sur votre chenille, renseignez-vous sur sa biologie. Que mange-t-elle ? Est-elle jeune, ou au contraire proche de la nymphose (auquel cas elle cessera de se nourrir) ? Comment aménager au mieux un espace pour elle ? Certaines chenilles auront besoin de supports pour accrocher leur chrysalide, d’autres auront besoin de terre pour s’y enfouir, et certaines auront même besoin de matériaux pour construire un cocon de soie.
Si vous n’êtes pas sûr(e) de l’identité de votre chenille, le plus prudent est de la relâcher à l’endroit où vous l’avez trouvée : une alimentation inadaptée ou de mauvaises conditions d’élevage pourraient la tuer.
Je prépare un article sur l’élevage de chenilles – je mettrai le lien lorsqu’il sera terminé !
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Aliments consommés
La plupart des chenilles se nourrissent de feuilles et de fleurs, mais certaines espèces peuvent également consommer des mousses ou des lichens, comme la Boarmie des lichens (Cleorodes lichenaria) dont la chenille et l’imago sont difficiles à repérer tant ils sont mimétiques. D’autres espèces encore se nourrissent de l’aubier des arbres, comme le Cossus gâte-bois (Cossus cossus) ou la Zeuzère du poirier (Zeuzera pyrina).
Citons également les bien connues mites alimentaires ou Pyrales de la farine (Ephestia kuehniella), redoutées dans les placards des cuisines, et dont les chenilles se nourrissent de farines, de céréales et d’autres produits végétaux secs. Les chenilles des mites des vêtements (Tineola bisselliella) quant à elles consomment la kératine que l’on retrouve dans les plumes et les poils. Dans la nature, on peut les retrouver dans les nids d’oiseaux, où elles dégradent des éléments difficilement décomposables ; en revanche, dans les domiciles, elles sont susceptibles de dégrader les textiles.
Si la phytophagie est généralement la règle chez les chenilles de lépidoptères, certaines espèces sont connues pour consommer autre chose que des plantes… C’est notamment le cas de certaines chenilles de la famille des Noctuidae, comme le Trapèze (Cosmia trapezina). Cette dernière est réputée pour consommer sans gêne des chenilles parfois plus grosses qu’elle. Ci-contre, cette chenille trouvée sur un Rumex a d’abord mangé la congénère de son espèce avec laquelle je l’avais installée dans une boîte, puis a dévoré une chenille de Pyrale du buis que j’avais introduite dans sa boîte « pour l’expérience ».
Ailleurs dans le monde, d’autres espèces sont connues pour se nourrir d’insectes, d’une manière bien plus spectaculaire : je pense en particulier aux eupithécies (de la famille des Géométridés) endémiques d’Hawaï. Grâce à leur impressionnant camouflage et à leurs pattes très développées, elles capturent leurs proies par surprise en se repliant sur elles et en les saisissant.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, il s’agit d’Eupithecia orichloris, E. staurophragma, E. scoriodes et E. monticolens – liste non exhaustive !
Pour en savoir plus :
Un petit article de la revue Insectes au sujet des chenilles consommant des lichens.
Une étude de cas (en anglais) réalisée par l’université du Wisconsin au sujet des réactions cannibales des chenilles de Spodoptera exigua en réponse à la pulvérisation de méthyl jasmonate sur les feuilles de leur plante-hôte.
Un article (en anglais) sur les chenilles carnivores hawaïennes.