Les chenilles avec un « dard » ou une « corne » sont-elles dangereuses ?

C’est l’été, il fait beau et chaud, et vous profitez du soleil pour sortir dans le jardin ou faire une promenade… Quand soudain, vous tombez sur une énorme chenille verte ou brune, munie d’un énorme dard – ou bien, s’agit-il d’une corne ?

chenilleslicornes
Sur les réseaux sociaux, les publications à leur sujet affluent… S’agit-il de « chenilles licornes » ou de chenilles à dard ?

Réponse : ni l’une ni l’autre ! En fait, cette petite corne s’appelle un scolus, et elle est présente chez la majorité des chenilles appartenant à la famille des Sphinx. Cette excroissance n’est pas située à l’avant de leur corps, mais à l’arrière. Elle est plus ou moins développée selon les espèces, voire presque inexistante chez le Sphinx de l’épilobe (Proserpinus proserpina) par exemple.

Est-ce que c’est dangereux ?
Absolument pas. Bien que la fonction de cette excroissance soit mal connue, elle ne contient ni venin ni autre substance dangereuse. Ces chenilles sont totalement inoffensives, et bien souvent, leur seul moyen de se défendre est de se « tordre » en faisant des mouvements brusques pour éloigner les prédateurs.

Que fait une telle chenille dans mon jardin ?
Si vous avez observé une chenille de sphinx en train de se déplacer au sol, c’est probablement parce qu’elle a terminé son développement et qu’elle s’est mise à la recherche d’un endroit pour se métamorphoser en chrysalide. Dans la majorité des cas, la nymphose de ces chenilles s’effectue dans la terre, parfois à plus de 10 centimètres sous la surface. La chenille vagabonde un moment avant de trouver l’endroit parfait, s’exposant alors à de nombreux danger. La meilleure chose à faire est de la laisser tranquille.

J’aimerais la garder jusqu’à sa transformation en papillon, comment faire ?
Si vous souhaitez observer les différentes étapes de son développement jusqu’au stade adulte, vous pouvez récupérer la chenille qui est sur le point de se nymphoser et l’installer dans un récipient fermé mais aéré, avec de la terre au fond – attention, la terre risque de moisir si le récipient n’est pas suffisamment aéré : disposez une gaze maintenue avec un élastique, ou un grillage fin plutôt qu’un couvercle sur le dessus de la boîte pour éviter toute condensation à l’intérieur. Une fois que la chenille s’est enterrée, attendez quelques jours avant de chercher à déterrer la chrysalide : elle va rester plusieurs heures à un stade de pré-nymphose, durant lequel son corps se prépare à la mue nymphale. À ce stade elle a besoin de tranquillité, il vaut mieux éviter de la déranger ou de la manipuler. De même, la chrysalide tout juste formée est très fragile et ne doit surtout pas être manipulée, sous peine de lui causer des blessures létales.
Si vous avez trouvé une chenille de Sphinx sur sa plante-hôte, c’est qu’elle n’a pas encore terminé son développement larvaire, et qu’elle a encore besoin de se nourrir. Il faudra lui fournir des plantes fraiches et adaptées à son espèce tous les jours, et veiller à maintenir une bonne hygiène dans sa cage d’élevage.
Vous trouverez de nombreux conseils pour réussir votre élevage sur cette page du site de Jean Haxaire, le spécialiste français des Sphingidés.

Quelques chenilles de Sphinx fréquemment observées au printemps et en été…

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Le Sphinx de l’euphorbe (Hyles euphorbiae)
Cette impressionnante chenille se nourrit d’Euphorbes, et notamment d’Euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias). Très variable, cette chenille est généralement verte avec des motifs rouges, jaunes et blancs aux premiers stades larvaires, puis se pare au dernier stade de noir et de rouge en proportions variables, toujours avec de grandes taches blanches rondes.

7Le Sphinx du peuplier (Laothoe populi)
Comme son nom l’indique, la chenille de ce sphinx se nourrit sur les Peupliers, mais aussi sur les Saules ou les Bouleaux. Elle est vert pâle, avec de petites granulosités blanches sur tout le corps. On peut la confondre avec celles du Sphinx demi-paon (Smerinthus ocellata), du Sphinx du tilleul (Mimas tiliae) ou encore du Sphinx du chêne (Marumba quercus), mais elle s’en distingue notamment par son scolus blanc ou vert pâle.

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Le Sphinx du tilleul (Mimas tiliae)
D’un vert souvent plus vif que la précédente, cette chenille se reconnaît notamment à son scolus d’un beau bleu sur le dessus, et à ses granulosités orangées juste derrière la dernière paire de fausses-pattes. Elle porte parfois des taches rouges sur le dessus des lignes latérales claires. On la trouve surtout sur les Tilleuls, mais elle peut aussi se nourrir sur d’autres arbres, notamment les Bouleaux, les Noisetiers ou les Charmes.

© Frits Bink | SaxifragaLe Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)
C’est le plus grand des sphinx européens. On peut rencontrer sa chenille en été dans les jardins, le plus souvent sur les Solanacées comme la Pomme de terre, le Datura officinal ou plus rarement la Tomate, mais aussi sur d’autres plantes comme le Buddleia. De couleur jaune, parfois brune maculée de blanc, cette chenille se reconnaît à son scolus granuleux et recourbé. Photo © Frits Bink | Saxifraga

2Le Petit sphinx de la vigne (Deilephila porcellus)
Cette chenille se rencontre sur les Gaillets, les Épilobes, les Aspérules, les Vignes et certaines autres plantes basses. À partir du 4ème stade, elle se reconnaît à ses deux paires d’ocelles à l’avant du corps mimant des paires d’yeux, et à son tout petit scolus. Elle peut être de forme brune ou verte.

Le Sphinx de la vigne (Deilephila elpenor)© Robert Ketelaar | Saxifraga
Parfois appelé Grand sphinx de la vigne. Sa chenille ressemble à celle du Petit sphinx de la vigne, mais s’en distingue par son scolus un peu plus grand. Elle aussi peut être de forme verte ou brune. On la rencontre le plus souvent sur les Épilobes, plus rarement sur les Gaillets, et plus rarement encore sur la Vigne. Photo © Robert Ketelaar | Saxifraga

Le Sphinx de l’épilobe (Proserpinus proserpina)
Chez cette curieuse chenille aux allures de petit serpent, le scolus est réduit à une petite protubérance arrondie ressemblant à un œil de cyclope. Ses vrais yeux sont bien sûr situés à l’autre extrémité, et beaucoup plus petits. Cette espèce est protégée sur tout le territoire français. Elle se nourrit sur les Épilobes.

11Le Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum)
C’est une chenille discrète que l’on peut observer sur les Gaillets. Elle possède deux lignes latérales blanches et son scolus est droit, noir ou bleu sombre, et finement ponctué de petites granulosités. Le plus souvent verte, elle se présente parfois sous une forme brune.

© Frits Bink | Saxifraga

Le Sphinx du liseron (Agrius convolvuli)
De forme verte, brune ou noire, cette chenille possède un scolus lisse, recourbé vers le bas, de couleur orange et/ou noire. Elle se nourrit de Liserons et d’autres plantes de la même famille. On l’observe le plus souvent lorsqu’elle a terminé son développement et qu’elle traverse routes et chemins de campagne à la recherche d’un endroit pour s’enfouir à plusieurs centimètres de la surface du sol et se nymphoser. Photo © Frits Bink | Saxifraga

Le Sphinx du troène (Sphinx ligustri)© H. Baas | Saxifraga
Cette superbe chenille se rencontre en été sur les Troènes et autres Oléacées. Elle est d’un vert vif et porte des stries latérales blanches, souvent surlignées de stries violettes. Son scolus est recourbé vers le bas, de couleur noire avec parfois du jaune pâle. Au repos, la chenille se tient recourbée en S, avec les (vraies) pattes et la première paire de fausses-pattes dans le vide. Photo © H. Baas | Saxifraga

Bonus | Des chenilles « à corne » qui ne sont pas des sphinx !

Certaines chenilles de noctuelles portent à l’extrémité de l’abdomen une petite corne un peu similaire à celle des Sphinx.

La Pyramide (Amphipyra pyramidea) s’observe au printemps dans le feuillage de nombreux arbres à feuilles caduques, dont les Saules, les Tilleuls et les Lilas. Au repos, elle se tient la tête en bas, maintenue à une branche par ses fausses-pattes, avec les vraies pattes dans le vide. Elle ressemble beaucoup à une autre espèce du même genre, la Noctuelle berbère (A. berbera).

Asteroscopus sphinxLa Noctuelle sphinx (Asteroscopus sphinx) peut aussi, à la rigueur, être confondue avec une chenille de Sphinx. Elle ne possède pas de corne à proprement parler, mais une petite bosse à l’arrière de son abdomen. Elle se tient elle aussi la tête en bas, dans une posture encore plus dramatique, les pattes dressées dans le vide.

Bonus 2 | Quand les « cornes » sont vraiment sur la tête…

Certaines chenilles de la famille des Nymphalidés possèdent des « cornes » sur la tête. Voici deux espèces que l’on peut rencontrer en France.

 Les chenilles de Mars changeants (Apatura spp.) possèdent deux cornes sur le dessus de la tête. Discrètes, on les rencontre parfois sur les Saules, les Trembles et les Peupliers. Deux espèces peuvent être observées en France : le Petit Mars changeant (A. ilia) et le Grand Mars changeant (A. iris).

Dans le sud de la France, on peut rencontrer l’impressionnante chenille du Jason (Charaxes jasius). Sa tête est ornée non pas de deux, mais de quatre cornes rouges. Elle se nourrit essentiellement sur les Arbousiers. Son papillon fait partie des plus spectaculaires de la faune française. Photo © Kars Veling | Saxifraga

Bonus 3 | Les étapes du développement d’un Sphinx en vidéo

Cette superbe vidéo d’Adam Grochowalski montre toutes les étapes du développement d’un Sphinx de l’euphorbe (Hyles euphorbiae), de l’œuf au papillon en passant par les différentes mues.


Pour tout savoir sur les Sphinx de France, allez faire un tour sur le site internet de Jean Haxaire !