Le Bois-sec (Xylena exsoleta)

Avec sa jolie robe verte aux motifs jaunes, rouges et noirs, la chenille du Bois-sec (Xylena exsoleta) semble tout droit sortie d’un dessin animé, et pourrait participer au concours de la plus jolie chenille verte. Mais que le jury se méfie ! Si cette chenille est très belle, le papillon qu’elle est vouée à devenir est quant à lui beaucoup plus terne, et ses motifs cryptiques rappellent un vieux bout de branche à la fin de l’hiver – ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle Bois-sec ou encore Brunâtre.

Reconnaître le Bois-sec

Le Bois-sec

La chenille du Bois-sec peut difficilement être confondue avec une autre : on la reconnaît facilement à ses lignes latérales jaunes, rouges et blanches, et à ses ocelles blancs et noirs.
Chez certains individus, les couleurs peuvent être un peu moins marquées. Les ocelles noirs et blancs apparaissent seulement au dernier stade larvaire (on peut voir sur cette page des photos de chenilles plus jeunes).

Cycle de vie

En France, cette noctuelle ne produit qu’une génération par an. La femelle dépose ses œufs en groupe sur les plantes-hôtes au début du printemps, vers mars-avril. Ils éclosent après une dizaine de jours d’incubation, et les jeunes chenilles se dispersent. Actives de jour comme de nuit, elles peuvent passer d’une plante à l’autre au cours de leur développement. Lorsqu’elles ont atteint le terme de leur développement larvaire, généralement en juillet-août, elles quittent leur plante pour s’installer au sol, ou à quelques centimètres dans la terre, et se nymphosent. Les papillons émergent en août-septembre mais ne se reproduisent pas immédiatement : ils passent d’abord l’hiver à l’abri avant de s’accoupler au printemps suivant.

Plantes-hôtes

Cette chenille est polyphage : elle se nourrit d’un grand nombre d’espèces de plantes différentes, ligneuses comme herbacées. Elle apprécie certaines plantes cultivées comme l’Oignon (Allium cepa), les Asperges (Asparagus), la Blette (Beta vulgaris), le Navet (Brassica rapa), le Houblon (Humulus lupulus), les pois (Pisum sativum), l’Epinard (Spinacia oleracea), le Framboisier (Rubus idaeus), le Pommier cultivé (Malus domestica) mais surtout la Vigne cultivée (Vitis vinifera), sur laquelle on l’observe souvent. Elle peut également se nourrir de plantes « sauvages » comme la Patience à longue feuilles (Rumex longifolius), le Populage des marais (Caltha palustris), la Gesse des prés (Lathyrus pratensis), l’Epilobe en épi (Epilobium angustifolium), la Marguerite (Leucanthemum vulgare), le Gaillet jaune (Galium verum), les Pissenlits (Taraxacum spp.), le Cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris), le Séneçon jacobée (Jacobaea vulgaris)… Liste non exhaustive !

Répartition et habitat

L’aire de répartition du Bois-sec s’étend des Îles Canaries au Japon, traversant l’Afrique du Nord-Ouest et une vaste partie de l’Europe. En France, elle est abondante dans la moitié sud, mais localisée voire rare dans la moitié nord.
Elle affectionne les milieux frais et humides, les prairies, les landes, les bois clairs, les lisières forestières…

Étymologie

Le Bois-sec porte le nom scientifique Xylena exsoleta. Le nom de genre Xylena vient du grec ξύλον (xylon) signifiant « bois » ; l’épithète spécifique quant à lui, exsoleta, vient du latin exoletus signifiant « arrivé à maturité, vieilli, effacé », voire « fané, pourri, décrépit » ! Tout cela bien sûr en référence à l’apparence du papillon, qui ressemble à un petit morceau de bois pourri.
En français, on l’appelle donc tout naturellement Bois-sec, ou parfois Brunâtre. Le nom d’Antique est parfois également mentionné, mais il désigne plutôt sa cousine Xylena vetusta. À ne pas confondre non plus avec le Bombyx antique – c’est là le piège des noms vernaculaires !

Moyens de défense, prédateurs et parasites

Cette chenille peut être parasitée par divers Hyménoptères, comme Hyposoter didymator, un Ichneumonidé assez généraliste qui pond dans les chenilles de diverses noctuelles. La femelle de cet Ichneumon pond un unique œuf à l’intérieur du corps des jeunes chenilles grâce à son long ovipositeur. L’œuf éclot après deux jours d’incubation, et la jeune larve commence à dévorer la chenille de l’intérieur, épargnant les organes vitaux. Après moins de deux semaines de festin, elle quitte le corps de son hôte, qui meurt généralement peu de temps après, et tisse un cocon à proximité de sa dépouille. Cette guêpe parasitoïde est particulièrement efficace pour « réguler » les populations de noctuelles, notamment certaines espèces considérées comme ravageuses des cultures. Dans cette vidéo, vous pouvez la voir à l’œuvre, parasitant une chenille de Cucullie.
Certaines Diptères de la famille des Tachinidés peuvent également parasiter cette noctuelle : la mouche Exorista lavarum, très généraliste, dépose son œuf sur le corps des chenilles, et la larve qui en sort pénètre par elle-même à l’intérieur de son hôte pour se nourrir de son contenu. Une autre mouche, Blondelia nigripes, ovovivipare, possède un ovipositeur perçant lui permettant de déposer une larve directement à l’intérieur du corps de son hôte. Très polyphage, cette mouche dépose ses larves dans les chenilles de très nombreuses espèces, avec une préférence pour les chenilles glabres.
La chenille du Bois-sec possède sans doute de très nombreux prédateurs et parasitoïdes, mais les 3 espèces citées ci-dessus sont les seules dont j’ai trouvé mention dans la littérature scientifique !

Une chenille dangereuse ?

Elle n’est pas dangereuse pour l’homme ou pour les animaux domestiques. En revanche, des pullulations des chenilles peuvent être observées certaines années dans les vignobles, où elles causent alors des dégâts. La présence d’une seule chenille de cette espèce dans votre jardin ne devrait cependant pas vous inquiéter.

Galerie photos (Cliquez sur les photos pour les afficher en grand !)

Bibliographie

  • D. J. Carter, B. Hargreaves, Guide des chenilles d’Europe, Delachaux et Niestlé
  • J-F. Aubert, Papillons d’Europe I, Delachaux et Niestlé
  • B. Henwood, P. Sterling, R. Lewington, Field Guide to the Caterpillars of Great Britain and Ireland, Bloomsbury Wildlife Guides
  • H. Bellmann, Quel est ce papillon ?, Nathan
  • M-S. Tixier, C. Cocquempot, L. Fabre, J-L Bousquet & L. Torregrosa (2010). Une noctuelle du genre Xylena (Lepidoptera : Noctuidae) a dévasté des parcelles de vigne en 2010 dans la vallée de l’Orbieu (Aude), consultable en ligne.
  • Bergström, Christer & Bystrowski, Cezary. The identity of Blondelia pinivorae (Ratzeburg)(Diptera: Tachinidae), a parasitoid of processionary moths (Lepidoptera: Thaumetopoeidae). Stuttgarter Beiträge zur Naturkunde A, Neue Serie, 2011, vol. 4, p. 321-334.
  • J-P. Venture, Pullulation de chenilles de Xylena exsoleta (Linnaeus, 1758) dans un vignoble de l’Hérault (Lepidoptera : Noctuidae). 2020. Oreina, 50 :47
  • Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten (Lepiforum) : Xylena exsoleta
  • Lepidoptera and their ecology : Xylena exsoleta
  • Moths and Butterflies of Europe and North Africa : Xylena exsoleta
  • Lépinet : Xylena exsoleta
  • Artemisiae, le portail dynamique national sur les papillons de France : Xylena exsoleta

Dernière mise à jour de la page : août 2021