Chenilles « processionnaires », réseaux sociaux, et pédagogie

Depuis que j’ai commencé à m’intéresser aux chenilles, j’ai rejoint de nombreux groupes de jardinage, essentiellement pour aider les jardiniers qui souhaitent connaître l’identité des chenilles qu’ils ont observées dans leur jardin. Au printemps et en été, je consulte quotidiennement les nouvelles publications au sujet de chenilles, et tout particulièrement celles concernant des chenilles dites « processionnaires ».

De bonne heure ce matin, j’ai bien failli avaler mon thé de travers en tombant sur cette publication :

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Cette belle chenille velue n’a rien d’une processionnaire, elle n’appartient même pas à la même famille. C’est une Laineuse du prunellier, inoffensive, mais surtout, protégée sur tout le territoire, inscrite sur la liste rouge des insectes de France métropolitaine, et en Annexe II de la directive habitats !

Le problème des groupes facebook, où chacun donne son avis…

Je comprends tout à fait que beaucoup de personnes se méfient des chenilles poilues, avec tout ce qu’on peut lire sur le net au sujet des chenilles processionnaires. Et je comprends également que, sur les réseaux sociaux, n’importe qui est libre de donner son avis. Au fond, je ne peux pas en vouloir à cette personne : elle ne sait sans doute pas qu’il existe plusieurs milliers d’espèces de papillons en France, et que les chenilles de beaucoup d’entre eux sont couvertes de poils. Elle pensait sûrement bien faire, en alertant l’auteure du post sur la dangerosité des chenilles processionnaires. Le problème est qu’en plus de raconter des bêtises, elle a incité la personne à détruire une espèce protégée, et c’est assez problématique. Heureusement, l’histoire se finit bien : l’auteure du post avait déjà relâché la chenille avant de poster la photo, et n’a pas tenu compte du premier commentaire. Je lui ai par la suite expliqué qu’elle avait bien fait, et elle semblait contente d’apprendre qu’elle avait une espèce protégée dans son jardin.

Tout le monde a le droit de se tromper. C’est tout à fait normal de ne pas savoir identifier une chenille à partir d’une simple photo, ou de confondre deux espèces qui se ressemblent un peu. Mais dans ce cas là, quand on a peu de connaissances en la matière, la logique voudrait que l’on se renseigne un minimum avant d’annoncer avec certitude qu’il s’agit de telle ou telle espèce, ou alors que l’on garde une certaine réserve : « Je crois qu’il s’agit d’une chenille processionnaire », ou bien « ça ressemble à une chenille processionnaire ». Moi-même, lorsque j’identifie une chenille sur les réseaux sociaux, je commence souvent par dire « Il s’agit certainement de… », parce que bien souvent il n’est pas évident d’identifier une chenille avec certitude à partir d’une seule photo !

… et l’importance de la pédagogie

Evidemment, j’ai du mal à rester calme quand je lis ce genre de commentaires. Mais je pense qu’il est essentiel de rester pédagogues lorsqu’on essaye d’expliquer à une personne qu’elle s’est trompée et qu’il ne s’agit pas d’une processionnaire. En général, quand je réponds à ces commentaires, j’essaye de donner quelques infos « clés » sur les chenilles processionnaires :

  • Je précise qu’on recense plus de 5000 espèces de Lépidoptères en France, et que les chenilles de beaucoup de ces espèces possèdent des poils et/où sont grégaires et vivent en groupe dans les arbres ou au sol, sans pour autant être dangereuses pour l’homme ou les animaux,
  • J’explique que les processionnaires s’observent très rarement seules, et toujours à proximité immédiate des pins/cèdres ou des chênes,
  • Quand c’est possible et pas trop complexe, je donne des critères qui permettent de différencier l’espèce en question des chenilles processionnaires,
  • Et quand je dispose de la documentation nécessaire, j’ajoute à mon commentaire une petite fiche ou une photo de l’espèce concernée, pour montrer qu’elle est inoffensive ou prouver qu’il ne s’agit pas d’une processionnaire.

Mais pourquoi, vous demandez-vous peut-être, je passe autant de temps à répondre à ces personnes, parfois en répétant 10 fois la même chose sous une tournure différente ? Tout simplement parce que je pense que les informations sont beaucoup mieux retenues si elles sont amenées avec pédagogie. Je me dis, peut-être avec naïveté, que chaque personne à qui je réponds reconsidérera peut-être ce qu’elle prenait pour acquis, c’est à dire : « toutes les chenilles poilues sont forcément des processionnaires », et se questionnera à l’avenir avant de prendre la décision de détruire une chenille ou un nid de chenilles.

En général, les personnes auxquelles je réponds admettent leur erreur et sont désolées d’avoir dit des bêtises ; parfois, elles sont contentes d’avoir appris quelque chose, et me recontactent par la suite pour me demander d’identifier d’autres chenilles. Récemment, une personne pensait avoir trouvé dans son pré des chenilles processionnaires, et envisageait de détruire leur « nid » : je lui ai expliqué qu’il s’agissait en réalité d’inoffensives chenilles de Livrées (Malacosoma franconica en l’occurrence). Elle a été ravie et rassurée de connaître leur identité, et est retournée les voir tous les jours pour les observer, en m’envoyant même des messages pour me poser des questions à leur sujet.

Et puis, surtout, je pense qu’il est totalement inutile et contre-productif de s’énerver contre les personnes qui identifient à tort des chenilles comme étant des processionnaires. Personne n’aime être pris de haut par une personne condescendante, ni se sentir mal ou culpabiliser. Je trouve personnellement les commentaires du type « Moi je sais mieux que vous et c’est pas une processionnaire » encore moins pertinents que ceux disant « C’est une processionnaire » lorsqu’il ne s’agit pas d’une processionnaire. Quand on possède un savoir, il est bien plus enrichissant de le partager avec les autres que de se vanter de le détenir. Dire « Je sais mieux que vous » sans donner plus de précisions, c’est rater une belle occasion de partager ses connaissances, et de sensibiliser une personne.

Quoi qu’il en soit, toutes ces histoires m’ont motivée à continuer à sensibiliser un maximum de personnes afin de « sauver des chenilles » à distance. Et surtout, motivée à reprendre la rédaction de ce site, en complétant les pages entamées et pourquoi pas en créant de nouvelles fiches sur les espèces fréquemment confondues avec les chenilles processionnaires (notamment l’écaille tessellée et l’écaille villageoise, dont il me manque des photos…). Au travail !

8 commentaires sur « Chenilles « processionnaires », réseaux sociaux, et pédagogie »

  1. Bonjour, je réside dans le Lot dans une ancienne truffiere. J’ai constaté avec horreur, qu’une dizaine d’arbres, chênes, érables, ou sumac sont envahis de chenilles noires velus. Elles ont deux rayures latérales lorsqu’elles grandissent. J’en ai vu dans les rosiers et glycines. Bref, lorsqu’elles tombent des arbres, elles se retrouvent dans les feuilles des plants de pommes de terre . Que faire?

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  2. Bonjour, grâce a votre site, j’ai pu faire la différence entre une chenille processionnaire et la « grande tortue » , chenille inoffensive de surcroit.
    Nous avons donc débarrassé le jeune cerisier de 3 ans d’une centaine de ces chenilles et les avons déplacé plus loin dans la forêt. J’en ai profité pour construire un nichoir pour abriter les mésanges car ici il y a plus de pré que d’arbres abritant des nichoirs naturels.
    Merci et Cordialement
    Thierry

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  3. C’est vrai qu’il faut parfois s’accrocher avec les avis péremptoires dans les réseaux sociaux et c’est difficile de ne pas s’étrangler avec son café en lisant sur des sujets que l’on connaît bien. En cherchant à identifier une chenille trouvée en début d’après-midi en ce jour de l’Ascension 2021 je suis arrivé sur votre site. On habite pas très loin de chez vous (Le Bourget du Lac) et je crois avoir donc vu une mélitée du plantain (il y a beaucoup de plantains ici) mais je suis étonnée de n’en avoir vu qu’une seule, Je crois qu’elle est au dernier stade de son évolution…n’est-ce pas un peu tôt dans la saison? Je n’ai pas vu de « nid »alentour, faut que j’aille voir du côté des voisins…Ou alors je me suis trompée, pourtant j’ai bien fait attention à bien la regarder mais je ne suis pas très entraînée. Merci en tous cas pour ce site et continuez à nous faire partager votre intérêt pour les chenilles!

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    1. Bonsoir, merci pour votre gentil commentaire 🙂 La chenille que vous avez trouvée, je suppose qu’elle était noire avec la tête rouge ? Si c’est cela qui vous a fait penser à la Mélitée du plantain, il pourrait s’agir aussi d’une Écaille villageoise (Arctia villica – elle n’a pas encore sa page sur le site). En fait, ce n’est pas trop tôt pour observer la Mélitée du plantain… mais un peu trop tard ! On observe normalement ces chenilles au tout début du printemps, vers février mars 🙂 Une chenille noire avec la tête rouge, observée seule au mois de mai, a plus de chances d’être une Écaille villageoise. Si vous l’avez prise en photo, vous pouvez m’envoyer le cliché sur la page facebook du site, ou bien par mail à l’adresse : chenilles.net@gmail.com. Bonne soirée et n’hésitez pas si vous avez des questions 🙂

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  4. Bonjour, Je ne suis pas entomologiste mais je souhaite apporter une précision quant au régime alimentaire de la chenille du Bombyx du chêne ( Lasiocampa quercus ). Vous doutez que son nom vernaculaire provienne de son appétit pour les feuilles de chêne pour lequel vous dites qu’elle ne manifeste aucune appétence. Hélas ! la situation actuelle dans le sud du Quercy ( pays du chêne donc) montre que cette espèce porte bien son nom. Les bois y sont actuellement « ravagés » ,comme l’été dernier, et certaines parcelles présentent l’aspect de nos bois fin janvier quand le gel et le vent y ont fini de dépouiller les arbres. Si ceci peut vous intéresser, cette chenille s’attaque aussi aux érables, aux cornouillers et aux châtaigniers. Dans les jardins et vergers elle dévore avec entrain les cerisiers, pruniers, pommiers et poiriers. Seules les feuilles de figuiers semblent ne pas être à leur menu. Bien que conscient que ce papillon soit un maillon de la grande chaine du vivant ( au même titre que la pyrale du buis qui réduisit à l’état de squelette les sous bois de notre département les années précédentes ) son développement invasif et massif n’est pas compatible avec les régulations naturelles habituellement à l’oeuvre. Si le coucou est le prédateur principal de cette espèce , bien qu’en grand nombre chez nous , il n’y suffit pas et les mésanges après avoir fait bombance au moment de l’élevage des petits semblent maintenant s’en être dégoutées. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les mouches parasites qui les dévorent de l’intérieur fassent leur ouvrage et vite !

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    1. Bonsoir Jacques,
      Merci pour votre commentaire. Il me semble cependant que vous avez confondu le Bombyx du chêne avec une autre espèce très ravageuse, le Bombyx disparate, qui « sévit » effectivement en ce moment dans de nombreuses régions. Le Bombyx du chêne quant à lui n’est vraiment pas réputé pour être un ravageur, c’est une espèce plutôt commune mais qui s’intéresse plutôt aux plantes basses et aux arbustes.
      Voici la page du site consacrée au Bombyx disparate : chenilles.net/bombyx-disparate/
      En cas de doute sur l’identité d’une chenille, n’hésitez pas à m’envoyer une photo par mail ou sur la page Facebook du site.
      Bonne soirée,
      Lisa

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      1. Lisa ,bonjour et merci de votre réponse.
        Ainsi grâce à vous  » je mourrai moins con…mais je mourrai quand même » !
        C’est donc ce terrible Disparate qui est en pleine action dans nos bois et qui, comme indiqué dans votre article, commence à monter à l’assaut des façades de certaines maisons pour y laisser des traces peu ragoutantes et difficilement effaçables. Sa polyvalence alimentaire est redoutable. Il est signalé un cycle triennal dans son apparition, en avez-vous une explication dans la mesure où son cycle reproductif ne s’étale que sur un an ?
        Pour ce qui est de ses prédateurs , je peux témoigner que concomitamment à l’apparition des chenilles s’est mise à proliférer la variété Calosoma sycophanta qui promène sa carapace arc en ciel dans les sous bois. Bien qu’en assez grand rnombre, ils ne viendront pas, seuls, à bout ces envahisseurs.
        Autre détail , quoiqu’on puisse en dire et lire à ce sujet , cette chenille est urticante . Phénomène de courte durée et de faible intensité mais qui rajoute au désagrément de cette invasion.
        Encore merci et bonne poursuite de vos recherches et études sur ce sujet.

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